Lutte contre les discriminations Société

 Campagne contre l’extrême droite : fiche n°4 - Monnaie

 

Une « monnaie nationale » pour mieux exploiter les salariés en France

Le nouveau « programme » du FN ne mentionne pas clairement la sortie de l’euro, mais un retour à la « souveraineté monétaire » et la création d’une « monnaie nationale ».
Dans ce domaine aussi, la manœuvre est délicate. Le FN tient compte du fait que, malgré son mécontentement, la majorité des Français semble approuver l’euro en tant que monnaie. C’est pourquoi il n’évoque pas explicitement la sortie de l’euro, mais son raisonnement revient au même.

Dévaluer la monnaie sans changer le système signifie dévaloriser le travail

Pourquoi le FN veut-il une « monnaie nationale » ? Pour pouvoir dévaluer la monnaie. Ainsi, le parti d’extrême droite reprend à son compte l’analyse libérale selon laquelle la dévaluation rend les produits nationaux moins chers par rapport aux produits étrangers, ce qui incite à réduire les importations, à produire dans le pays et, éventuellement, à exporter davantage.

Comme le patronat, le FN est obsédé par la « compétitivité prix ». Cette vision anti-salariale est conforme à ses propositions pour transformer le CICE (crédit d’impôt compétitivité-emploi) en exonération générale de cotisations sociales dites patronales et augmenter ces exonérations.

Dans l’optique des travailleuses/travailleurs, qui n’est pas celle du FN, le problème fondamental quant à la dévaluation de la monnaie est le suivant : en l’absence d’un changement de logique du système, la dévaluation de la monnaie équivaut à une dévalorisation du travail. Autrement dit, la valeur de l’heure travaillée en France sera diminuée par rapport à celle des pays avec lesquels elle entretient des relations commerciales. Par exemple, si une heure de travail en France permet d’acheter dix litres de pétrole brut, une dévaluation de 10 % signifie que l’heure du travail n’équivaut qu’à 9 litres du même pétrole. Par conséquent pour obtenir la même quantité de biens, on doit travailler plus. Il s’agit donc d’une dévalorisation du travail et d’une baisse du pouvoir d’achat des salariés.

La dévaluation de la monnaie pose aussi d’autres problèmes. Elle risque ainsi d’alourdir les charges de la dette publique, dont presque deux tiers sont détenus par des individus, entreprises ou financiers qui se trouvent hors de la France.

Le FN attise l’hostilité et la mise en concurrence des travailleurs

Par ailleurs, le parti d’extrême droite dit vouloir renégocier les traités européens pour rendre à la France sa « souveraineté » et organiser un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne.

Il compte aussi créer, sous la tutelle de la Caisse des dépôts et consignations, un « fonds souverain » qui aura pour mission de protéger les entreprises françaises des « fonds vautours » et des OPA hostiles. Le FN compte donc réanimer le fameux « Fonds stratégique d’investissement » (FSI) mis en place par Nicolas Sarkozy, soi-disant pour les mêmes objectifs.

Comme dans d’autres domaines, en se cachant ici derrière la « souveraineté » et le « fonds d’investissement », le FN évacue le problème fondamental, à savoir l’exploitation des travailleurs par les détenteurs de capitaux. Ainsi, il fait le silence sur la stratégie des firmes en général et particulièrement celle des groupes mondiaux qui organisent leurs activités en fonction d’un seul critère : la rentabilité du capital, appuyée sur l’optimisation fiscale.

En même temps, le FN attise l’hostilité et la mise en concurrence des travailleuses/travailleurs sous couvert de la protection des intérêts nationaux. Dans cette perspective, il s’appuie et participe à l’organisation d’une « internationale d’extrême droite » nationaliste, xénophobe, voire fascisante dans certains cas, et compte bien en tirer des bénéfices pour lui-même.

Ainsi, le 21 janvier 2017, Marine Le Pen s’est retrouvée à Coblence (Allemagne) aux côtés des autres dirigeants de partis d’extrême droite européens. Ces partis convergent sur plusieurs thèmes chers au FN : le rejet de l’immigration, de l’Islam, des élites et de l’Europe, avec un discours « anti-système ».
Au cours de ce rassemblement, Marine Le Pen dit que « 2017 sera l’année du réveil des peuples de l’Europe continentale » et achève son discours par un « Vive les nations d’Europe, et vive l’Europe des nations ! ».

Ce geste en faveur de « l’Europe des Nations » permet au FN d’évacuer le sujet fondamental du contenu de « nations d’Europe » et de « l’Europe des nations ». Le FN, tout comme ses homologues européens, rêve d’une nation où les capitalistes nationaux exploitent tranquillement les travailleurs nationaux (et étrangers, dans la mesure où leur présence serait indispensable pour faire fonctionner la machine capitaliste et mieux exploiter les travailleurs).

Défendre les intérêts des travailleurs/travailleuses implique de poser d’autres questions : sortir de la mise en concurrence et établir des coopérations permettant de tirer vers le haut les normes sociales et environnementales tant en France que dans les autres pays.

Défendre les intérêts des travailleurs suppose également des droits d’intervention pour les salarié-e-s et leurs représentant-e-s sur les choix stratégiques des entreprises. Le FN s’y oppose.

Une « souveraineté monétaire » au service d’une politique autoritaire

Le FN propose également que la Banque de France finance le Trésor. Là encore, le parti d’extrême droite évacue le sujet fondamental de la finalité des dépenses publiques.

Dans l’optique des travailleurs, il ne suffit pas de faire fonctionner la « planche à billets » : l’enjeu fondamental demeure l’usage de cet argent. À titre d’exemple, l’État pourrait utiliser le recours à la « planche à billets » pour prendre en charge les exonérations de cotisations sociales des employeurs. Le FN ne s’y oppose pas, au contraire, il demande une hausse de ces exonérations.

Conformément à sa doctrine autoritaire, le FN propose de recruter 15 000 policiers et gendarmes, 6 000 agents des douanes et 50 000 militaires. Il veut aussi créer 40 000 places de prison supplémentaires. Ainsi, le financement du Trésor auprès de la Banque de France pourrait servir à construire des prisons, au lieu de créer des postes dans l’éducation, la santé, la culture…, domaines pourtant essentiels pour la cohésion sociale et l’avenir de notre société.

Compte tenu de ces données, des propositions telle que : « augmenter de 30 % le budget public alloué à la recherche », « nationaliser les sociétés d’autoroutes », ou « privilégier les entreprises françaises pour les commandes publiques si l’écart de prix est raisonnable » relèvent plutôt d’un effet de style.

Ainsi, en se cachant derrière la demande légitime d’une hausse du budget de l’État alloué à la recherche, le FN met en sourdine le fait que les dépenses de recherche-développement des entreprises privées sont particulièrement faibles en France.
Évidemment, l’engagement patronal du FN l’empêche de mentionner la responsabilité des entreprises privées dans la faiblesse de l’effort de recherche-développement en France. Voici une autre preuve du fait que le FN est fondamentalement un parti patronal