Laïcité

 Contre une laïcité défigurée et détournée

 

Les médias comme les politiques se sont lancés, depuis l’été dernier notamment, dans une course à l’échalote autour du thème de la laïcité.

La référence à la laïcité prend un tour de plus en plus malsain dans la bouche de certains orateurs animés d’une soudaine « passion républicaine » qui n’a en fait pour véritable objectif que la stigmatisation des citoyens de culture musulmane en détournant un concept d’égalité et de liberté, la laïcité, en un instrument d’exclusion.
Contrairement à leurs affirmations, les Valls, Sarkozy, Estrosi, Ciotti et consorts tournent résolument le dos à l’esprit de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 telle que l’ont pensée Aristide Briand, Jean Jaurès et Francis de Pressensé.
La loi de 1905 est une loi de séparation des Eglises et de l’Etat et non d’éradication du fait religieux.
L’article 1 affirme : «  La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. ».

La loi de 1905 est donc avant tout une loi de liberté.

Il n’est pas inutile de rappeler, dans le contexte polémique autour du burkini et du port du voile dans le monde de l’éducation, le débat qui eut lieu à l’occasion de la séance parlementaire du 26 juin 1905 sur le port de la soutane. Briand s’oppose à son interdiction.
Chabert, député de la Drôme, plaide pour qu’on en libère les prêtres parce que « la vie du prêtre ne doit pas être ce qu’elle est ».
L’amendement Chabert est rejeté par 391 voix contre 184.

La question des signes religieux dans l’espace public est souvent liée à une lecture superficielle de l’article 28 de la loi de 1905.
Cet article concerne les « signes et emblèmes religieux » « élevés ou apposés sur les monuments publics », avec la réserve des édifices servant au culte, aux terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, des musées et des expositions.
Il est en effet interdit à l’avenir d’en apposer sur les emplacements publics.

Dans la fonction publique, la neutralité s’impose à tous ses agents.
Selon les normes constitutionnelles et législatives les usagers ne sont pas soumis à cette règle de neutralité.
Les débats autour du voile de certaines mères de famille autour de l’accompagnement des sorties scolaires par les usagers révèlent du coup leur stérilité : le respect de la norme, c’est-à-dire l’accompagnement exclusif par des agents du service public nommés en nombre suffisant, astreints à la neutralité, ne donnerait naissance à aucune polémique.
Il n’est peut-être pas inutile de réfléchir sur l’invitation de Jean Jaurès aux instituteurs : « Etre laïque c’est poser aux enfants les grands problèmes de société : la grève, la colonisation, la guerre, la religion ».

La laïcité, une histoire spécifiquement française

Le concept de laïcité ne figure pas dans les textes internationaux. Cependant ces textes affirment la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction tant individuelle que collective, en public, en privé, par le culte, l’enseignement et l’accomplissement des rites.
Pour Jaurès, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat devait permettre de sortir du conflit des « deux France » et de « passer au social » enfin.
La République laïque implique aussi pour Jaurès la République sociale.
Ce combat est plus que jamais à l’ordre du jour.