Travail et santé Société Dossiers

 Dossier temps de travail

 

La RTT : une bataille pour l’émancipation

Alors que le débat fait rage entre les économistes mainstream (dont le Nobel Jean Tirole) qui tentent de nous faire croire que « le travail ne se partage pas » et la CGT qui exige un choc macroéconomique avec la semaine de 4 jours et les 32 heures, la FERC propose une analyse qualitative de la question RTT.

Les abeilles (ouvrières) naissent, travaillent à différentes taches à chaque stade de leur vie et meurent…

C’est à peu de choses près la condition des prolétaires (celles et ceux qui n’ont que leur travail pour subvenir à leurs besoins) au début du XIXe siècle.

C’est bien la réduction historique du temps de travail qui changera la condition humaine !

Que ce soit la limitation à 8h pour les enfants (1841), la journée de 8 heures (1919), les 2 semaines de congés payés (1936) ou la retraite à 60 ans (1982), tous les temps libérés ont été vecteur de progrès social !

Nombreux sont nos secteurs professionnels qui se développeront grâce ces transformations sociales, que ce soit l’enseignement, l’éducation populaire, la culture, le sport ou le tourisme social.

En 1981, un ministère du temps libre est en charge d’organiser les loisirs dans le continuum historique de l’action de Léo Lagrange de 1936.

L’ambition émancipatrice de ce ministère sera raillée par les médias comme l’était l’accession aux plages en 1936 des « salopards à casquettes » qui rencontrait l’hostilité de la bourgeoisie ! Par le patronat qui, déjà à l’époque, jugeait que « payer les gens à rien faire, c’est immoral » !

Preuve s’il en était nécessaire que la RTT est centrale dans la lutte de classes. Pour nous, les gains de productivité liés au progrès technique ne valent que s’ils sont mis au service de l’émancipation humaine et que chacun.e bénéficie d’une vie épanouie dans et hors travail.

Appel de 150 personnalités universitaires, politiques et syndicales dont Philippe Martinez : Ensemble, remettons la réduction du temps de travail au cœur du débat public.

Alors que la loi travail, entrée à l’Assemblée nationale le 3 mai, prévoit d’allonger le temps de travail, Alternatives Economiques lance un appel, signé par 150 personnalités, pour travailler moins mais travailler tous et mieux

La France compte actuellement 6,5 millions d’inscrits à Pôle emploi, 2,8 millions de plus qu’en 2008. Le chômage de masse mine depuis longtemps déjà la société hexagonale, mais ce fléau a pris une ampleur sans précédent ces dernières années. Il y a urgence à réagir.
L’activité a certes repris depuis 2015 et elle pourrait accélérer encore un peu avec des politiques économiques plus dynamiques en Europe. Mais avec la crise écologique qui s’aggrave, les perspectives de croissance sont limitées et le resteront. De plus, la révolution numérique et la robotisation pourraient bien, elles aussi, menacer de nombreux emplois. Il n’y a donc quasiment aucune chance que l’évolution spontanée de l’économie permette de faire reculer le chômage à un rythme suffisant pour éviter les risques d’explosion auxquels la société française est confrontée aujourd’hui.
Si on veut éviter la paupérisation des travailleurs tout en faisant reculer rapidement le chômage, il faut « travailler moins pour travailler tous et mieux »
D’autres pays affichent cependant un taux de chômage plus faible que la France. Le plus souvent ce résultat est atteint grâce à un vaste secteur de « travailleurs pauvres », via une croissance massive du travail à temps partiel féminin et un retour en force du travail indépendant. Ces personnes occupent certes un emploi, mais n’en ont pas moins les plus grandes difficultés à se loger, à se soigner, à éduquer leurs enfants… Bref, à mener une vie décente. Ces politiques creusent de plus les inégalités entre riches et pauvres et les écarts entre hommes et femmes.
Si on veut éviter ces écueils tout en faisant reculer rapidement le chômage, il faut « travailler moins pour travailler tous et mieux ». Au tournant des années 2000, le passage aux 35 heures hebdomadaires avait eu un effet très positif sur l’emploi et l’activité, malgré certaines difficultés dans sa mise en œuvre, notamment en matière d’intensification du travail. Il faut d’urgence reprendre ce chemin, même s’il faut probablement s’y prendre autrement, et notamment ne plus raisonner seulement sur le temps de travail hebdomadaire.
Nous avons pleinement conscience de la difficulté de l’exercice tant en termes de financement que d’organisation des entreprises, mais cette question doit revenir au cœur du débat public. Non seulement pour réduire le chômage, mais aussi pour reprendre la marche en avant du progrès social et sociétal, en favorisant des modes de vie plus équilibrés et plus respectueux de l’environnement. Nous vous demandons de nous y aider en portant vous aussi ce débat sur votre lieu de travail, dans vos collectivités, vos syndicats, vos partis, vos associations… Il en va de l’avenir de notre démocratie et de notre modèle social.

Source : alternatives-economiques.fr

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Le rapport Laurent

Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, a remis à la ministre en mai 2016 un rapport sur le temps de travail de la Fonction publique (FP). Dans la logique de la loi « travail », il constate que les agents des 3 versants de la FP bénéficient d’un nombre trop important de « jours d’absence » dans un contexte de pénurie de personnels, de suppression de postes et de contrainte budgétaire. Il préconise donc une réduction des jours de congés, des autorisations spéciales d’absence, la limitation des heures sup, des RTT, la révision des compensations liées à la pénibilité, l’homogénéisation du temps de travail via la badgeuse et l’exclusion des pauses du temps de travail.

Deux préconisations « phares » :

  • Réorganisation du travail et annualisation sur 1607h imposées : journées plus longues lors des pics d’activité (par exemple, périodes d’inscription) avec récupération obligatoire en périodes « creuses ». Le plancher de 1607h « justifiant » la suppression de jours de congé et la fixation intangible des jours fériés.
  • Le « forfait jour » ou « cadre » : pour faire travailler plus les cadres en comptabilisant le temps de travail en jours travaillés sur l’année et non plus en heures annualisées. Très longues journées de travail sans que les dépassements soient décomptés.

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Le temps de travail des personnels BIATSS

Il est fixé à 45 jours de congés pour 39h hebdomadaires depuis 1983. Ces congés étaient la contrepartie des périodes de fermeture imposées et d’un régime indemnitaire particulièrement défavorable par rapport aux autres fonctionnaires.

Lors des négociations sur le passage aux 35h, un « arrangement » avait été trouvé, (droit à une pause de 20 mn obligatoire après 6h de travail pouvant être prise sur la pause méridienne). Cela avait permis de baisser artificiellement la durée du temps de travail et d’ouvrir l’accès aux jours d’ARTT. Mais la durée du travail restait fixée à 1607h annuelles.

Aujourd’hui, cet accord bancal est remis en cause par les directions d’établissements au prétexte que l’agent en pause doit rester à disposition de l’employeur et que l’annualisation est obligatoire. Ce qui revient à la suppression des 35h à l’université !

Cette augmentation est aggravée par le recours croissant à la flexibilité (accord sur l’annualisation) afin de répondre au
« caractère saisonnier » de l’activité (inscriptions à l’automne, examens au printemps...) et à l’augmentation du nombre d’étudiants alors que le nombre de fonctionnaires baisse et qu’il n’y a pas de contrepartie de jours d’ARTT. Le recours à la précarité avec des contractuels saisonniers ou étudiants contractuels permet de compléter le service, au détriment de leurs conditions de travail et de leurs droits. Le plan bibliothèques ouvertes (ouverture le soir, la nuit, le samedi ou le dimanche) se met en place à budget constant, sans création de postes et avec un recours massif à l’emploi précaire étudiant (non formés et sous-payés) !

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Réduction du temps de travail des enseignants chercheurs

Le statut des enseignants-chercheurs (EC) prévoit que leur temps de travail soit réparti entre enseignement (50%) et recherche (50%). Cependant, seule l’obligation de service d’enseignement est définie : 192h par an.
Cette obligation de service n’a été révisée ni pour les 39h, ni pour les 35h. Pire, elle a augmentée en 1984 avec l’annualisation du temps de travail.
Jusque-là, les EC dispensaient 6h/semaine, sur 24 à 32 semaines suivant les établissements. Tout le monde passait au maximum de 192 h/an (6 x 32) alors qu’auparavant les EC assuraient entre 150 et 160h d’enseignement.
Ce service devrait être, a minima, revu à la baisse pour une charge maximum de 150h !

Au lieu de cela, le gouvernement a instauré le contrôle des carrières qui permettra de moduler l’obligation de service d’enseignement des EC.
De plus, au lieu de consacrer leur temps à la recherche, les EC sont aujourd’hui contraints de remplir des tâches administratives de plus en plus nombreuses et non comptabilisées : recherche de financements, justification de dépenses de crédits, évaluations et rapports multiples…
Tâches chronophages et hors mission

L’État doit garantir un financement pérenne et récurrent à la recherche et abandonner le financement par projets.
Des postes de fonctionnaires doivent être créés pour que les tâches administratives soient réalisées par les personnels BIATSS.

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Temps partiel dans l’animation

Le temps partiel voire très partiel est une réalité de la branche de l’animation. Un avenant à la convention collective a d’ailleurs été signé le 23 juin 2014 réduisant à deux heures le temps minimum pour les techniciens d’activités. Un autre avenant a été signé le 24 juillet 2014 concernant les salariés de la grille générale et prévoyant des dérogations suivant la taille des associations et évolutifs dans le temps (barème de 4 à 14 heures pour les entreprises de moins de 50 salariés).

Avec les activités périscolaires, le temps partiel devient un temps imposé aux salarié.es dans ce secteur. Pour une activité hebdomadaire découpée matin, midi et soir limitant la possibilité d’exercer une autre activité professionnelle et avec un salaire voisin du SMIC, il faut en passer par là pour bon nombre de jeunes pour faire carrière dans l’animation.

Précarité et absence de parcours de formation riment aussi avec temps partiel. Les collectivités locales réduisant les subventions qu’elles accordent aux associations, se reposant sur elles pour organiser ces activités au service de la population, portent en partie la responsabilité des conditions d’emploi à temps partiel offerte aux salariés de l’animation.

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A l’Inserm et au CNRS, les CET explosent !

La réduction du temps de travail, sans embauches compensatrices, induit des effets pervers. En fait, le temps de travail des salarié.es ne se réduit pas concrètement, mais les heures supplémentaires augmentent. En conjonction avec les réductions budgétaires, la situation devient rapidement inextricable : incapable de payer les heures supplémentaires, elles sont reportées dans des Comptes Epargne Temps (CET).

A l’Inserm, on constate dans le bilan social 2015 que 2215 agents cumulent près de 30 000 jours qui correspondent à un budget de plus de 3,6 millions €. Pour le CNRS (2015), il y a 6435 agents concernés par le CET pour un budget de plus de 10 millions €.
Ne s’agit-il pas de tirer des chèques (sans provisions ?) sur l’avenir ? 70% de ces « bénéficiaires » du CET sont des chercheurs/euses (DR ou CR) qui ne peuvent pas prendre leurs jours de congés dans le cadre de la RTT et ainsi accumulent des jours en CET !
Sans compter celles et ceux qui sont en « missions embarquées » au CNRS qui ont des conditions particulières (sujétions et astreintes) sur un navire océanographique par exemple.
Il faut se rappeler que la RTT n’a de sens que si on travaille moins, on travaille mieux et on travaille toutes et tous ! Visiblement ce n’est pas acquis au CNRS et à l’Inserm !

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Temps de travail des agents du MEN : désinformation, fantasmes et idées reçues !

Beaucoup d’idées reçues, parfois de fantasmes, circulent sur le temps de travail des enseignant.es, alimentés par les approximations journalistiques et les attaques idéologiques des politiques. La dernière venant de Sarkozy dénonçant sur une radio publique des enseignants « travaillant 18h par semaine, 6 mois par an » !

C’est particulièrement caricatural mais cette outrance est possible par l’absence de traitement sérieux du sujet. Il faut dire qu’il est parfois complexe de se retrouver dans la multiplicité des corps, des statuts et des obligations de service des plus de 900.000 agents de ce ministère.

Les personnels administratifs, de santé et sociaux, qu’ils exercent en établissement ou dans les administrations centrales et décentralisées, ont bénéficié en 2002 d’une réduction du temps de travail suite au décret Fonction publique du 25 août 2000. Pour eux, comme pour d’autres agents, ceci s’est fait par l’annualisation du temps de travail sur la base de 1600h annuelles (1607 depuis l’ajout de la journée de solidarité). La difficulté est que leur rythme de travail est soumis en partie aux rythmes de l’année scolaire.

Pour les agents exerçant en établissement scolaire le nombre imposé de semaines de fermeture administrative induit de fait une charge horaire hebdomadaire élevée, avec une amplitude quotidienne de travail de 11h maximum et une amplitude hebdomadaire de 32h minimum à 44h maximum.
Les salarié.es n’ayant pas de maîtrise sur les semaines d’ouverture ou de fermeture des établissements, leurs possibilités d’aménager leur temps de travail est très limitée et certains d’entre eux assurent des services hebdomadaires allant régulièrement au-delà des 35h.

Les Conseiller.es principaux.ales d’éducation ont aussi des obligations de service annualisées sur la base des 1607h qui se répartissent sur les 36 semaines de cours et 3 semaines réparties sur les congés scolaires. La durée hebdomadaire de travail est alors de 40h 40 minutes, dont 35h inscrites dans leur emploi du temps, 4h laissées sous leur responsabilité pour l’organisation de leurs missions (préparations de projets éducatifs, lien avec des associations, etc.) et un temps de pause non-fractionnable de 20 mn pour 6h travaillées.

Pour les enseignant.es du 1er degré le service hebdomadaire est fixé à 24h de classe devant élèves, s’y ajoutent 3h hebdomadaires en moyenne, soit 108h annuelles dévolues à l’ensemble des autres missions (aide personnalisée, accueil des parents, réunions d’équipe, conseils d’école,…). Pour celles et ceux du 2nd degré, les statuts fixent également un cadre hebdomadaire du temps de classe de 18h pour la plupart d’entre eux (15h pour les agrégé.es, 20h pour les professeur.es d’EPS, 30h de présence + 6h consacrées aux relations extérieures pour les professeur.es documentalistes).
La difficulté du calcul du temps de travail réel des enseignant.es est liée à la part invisible du travail de préparation de cours et de correction de copies, variable selon les services, le nombre de classes, de matières enseignées, l’expérience, mais les études les plus sérieuses tendent vers une durée hebdomadaire aux alentours de 40h, voire plus en début de carrière. Le nombre de tâches administratives (recherche de stages, inscriptions aux examens,…) et pédagogiques (livret de compétences, tutorat individuel, projets pluridisciplinaires,…) confiées aux enseignant.es a nettement augmenté sans que le temps de face à face pédagogique ne soit modifié. D’évidence le temps de cours (18h, 24h,…) est bien inférieur au temps de présence dans l’établissement scolaire d’exercice.

Le calendrier scolaire, s’il peut sembler particulièrement attractif au regard des semaines de congés qui le rythme, ne permet pas aux personnels d’aménager leur vie professionnelle en fonction de l’évolution de leur vie personnelle et impacte la charge de travail hebdomadaire pendant les semaines d’ouverture des établissements scolaires.

Le gel du point d’indice et les suppressions de postes (non compensés par les gouvernements Hollande, malgré toutes les annonces) pèsent fortement sur les agents et leurs conditions de travail, le peu d’attractivité des concours d’enseignement semble indiquer que l’image du fonctionnaire privilégié et travaillant peu a fait long feu.

Pour revaloriser ces métiers il faut évidemment des augmentations de salaires et un rattrapage de la perte de pouvoir d’achat cumulée, mais il faut aussi repenser le temps de travail et revendiquer les 32h pour tous les agents. Pour les enseignant.es cela passe par la baisse du temps de face à face pédagogique (heures face élèves) et par l’intégration du temps de concertation au temps de service hebdomadaire.

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