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 Dossier - Violences sexistes et sexuelles

 

Une nouvelle fois, dans nos pages, nous écrivons sur cette question cruciale des violences sexistes et sexuelles.

C’est l’actualité des derniers mois qui nous y contraint car malgré les mouvements « #meetoo » ou « balance ton porc », ces actes à l’encontre des femmes n’ont pas diminué et ce malgré les engagements du gouvernement. Il est nécessaire de rappeler qu’en 2019, ce sont 151 féminicides qui ont eu lieu… et à l’heure où ces lignes sont écrites, ce sont déjà 20 femmes qui sont mortes en 2020.

Deux secteurs ont été mis en exergue dans l’actualité dernièrement. D’une part le cinéma, avec l’outrage fait à toutes les femmes victimes par l’attribution du césar du meilleur réalisateur à Roman Polanski. Ce dernier poursuivi aux USA pour relations sexuelles avec une mineure en 1977 et accusé de viols et agressions sexuelles par 11 autres femmes fuit la justice depuis des décennies. Nous, nous refusons à distinguer l’homme de l’œuvre !

D’autre part, les révélations dans les médias, de Sarah Abitbol sur les viols répétés qu’elle a subis de la part de son entraîneur, alors qu’elle était mineure et sous sa responsabilité. Ce témoignage a mis sur le devant de la scène le fonctionnement ou plus exactement le dysfonctionnement de la Fédération des sports de glace où, comme dans tant d’autres sports et milieux, l’omerta régnait et où les agresseurs étaient protégés voire défendus. Cela a entrainé la démission du président, ce dont on ne peut que se réjouir. Mais le ministère des sports doit encore agir pour que toutes les violences sexistes et sexuelles, et plus largement les discriminations soient bannies de tous les clubs et fédération.

Mais nos autres champs fédéraux ne sont pas exempts de violences sexistes et sexuelles, notamment dans l’Enseignement supérieur et la Recherche. Ainsi en 2018, le professeur Raoult, dont on inonde les médias en cette période de crise du Covid-19, se glose, selon la presse, « d’avoir décrit [son unité] comme un lupanar [et d’y avoir] fait installer un distributeur de capotes anglaises » alors qu’un de ses directeur d’unité était poursuivi pour harcèlements et agressions sexuels. Une telle déclaration apparait comme étant le reflet d’un manque de considération de M. Raoult envers les victimes d’actes de harcèlements sexuels ou agressions sexuelles alors que désormais le directeur ne fait plus partie du CNRS.
En tous lieux, professionnels et personnels, les femmes doivent être protégées contre les violences (physiques ou verbales) sexistes et sexuelles.

Pour rappel, la CGT revendique :

  • la protection contre le licenciement et les sanctions pour les victimes
  • la prise en charge de l’ensemble des frais de justice par l’employeur·se
  • la reconnaissance automatique de la situation des victimes en Accident du Travail/Maladie Professionnelle
  • la création d’un statut de la victime dans les procédures disciplinaires
  • l’extension des prérogatives et moyens des inspecteur·trices et des médecin·es du travail.
Le 6 février 2020, la cour d’assises de Melun a condamné à une peine de 20 ans de réclusion le mari meurtrier de notre camarade Frédérique Mulot de la CGT Culture. Elle est morte le 1er août 2017, à 51 ans, alors qu’elle venait d’annoncer à son époux son intention de le quitter. Elle était la 76ème victime de féminicide sur les 126 recensées en 2017. La circonstance aggravante de « meurtre par conjoint » a été retenue, la justice a été rendue pour elle et cela permet de faire aussi avancer la cause de toutes les autres victimes.

Frédérique était une militante chaleureuse et bienveillante, elle refusait les injustices et les inégalités. Ses camarades de la CGT Culture et du syndicat des Archives nationales souhaitent qu’au-delà de l’émotion et de la solidarité exprimées par ses camarades et ses collègues, le souvenir de Frédérique reste comme un rappel constant des luttes à mener contre les violences sexistes et sexuelles. Ils et elles ont demandé au ministère de la culture, avec le soutien de l’UFSE et de la FERC, que le jardin intérieur du ministère soit dédié à la mémoire et au nom de Frédérique.

Retour sur des conditions d’exercice particulières

Le nombre des cas de violences sexuelles dans le sport et les révélations en cascades doivent nous interroger sur le monde sportif français. Si les agresseurs sexuels investissent le champ sportif, c’est que le milieu est facilitant.
La FERC CGT Sport veut participer à l’analyse des facteurs permettant ces actes délictueux, faire des propositions pour y remédier et ce, en parallèle des annonces du Ministère des Sports.

Nous identifions différents facteurs.

Tout d’abord, le contexte de l’enseignement (l’entraînement) sportif.
Il permet, notamment entre l’entraineur et le/la sportif·ve, une promiscuité des corps mais aussi il établit une relation particulière entre entraineur et entrainé·e qui peut dévier vers une relation de domination et d’emprise. Il y a aussi la culture du résultat « à tout prix », quel que soit le niveau envisagé, qui fait que le silence reste de mise y compris dans les familles, pour ne pas risquer d’échouer.

Le 2ème facteur est celui du milieu institutionnel du sport et du fonctionnement des Fédérations, dont certaines vivent en véritable autarcie avec des dirigeant.es qui se croient tout permis et au-dessus des lois. Et pour finir, le 3ème facteur, les conditions d’exercice professionnel où dans de nombreuses pratiques, l’entraîneur.euse est seul avec le/la sportif·ve y compris lors de déplacement.
Les deux premiers points sont détaillés dans l’article sur la Convention Nationale de Prévention des violences sexuelles dans le sport lors de laquelle nous avons pu exposer différentes revendications et le 3ème point dans l’article ci-après.

Nous rappelons que pour la FERC, les fédérations sportives, le ministère (comme d’autres institutions avant elles) doivent protéger les sportives et les salariées victimes de violences. Seules la transparence et le soutien total aux victimes de violences permettront d’envoyer un signal clair et d’obliger à des changements profonds qui bannissent définitivement les attitudes discriminantes, racistes, sexistes, homophobes dont le monde sportif n’est pas exempt.

Actuellement, dans le cadre de leur métier, les éducateur·trices sportifs titulaires d’une carte professionnelle sont soumis à des contrôles systématiques, réalisés chaque année par une consultation automatisée du casier judiciaire. Toutefois, on voit avec les multiples affaires qui éclatent, notamment dans le patinage ces dernières semaines, que cette mesure n’est pas suffisante, car une partie des agressions sexuelles est le fait d’encadrants soumis à ce contrôle mais non dénoncés. La FERC CGT Sports revendique qu’une réelle information préventive des enfants et des parents doit être mise en place afin qu’ils sachent comment réagir en cas de violence sexuelle.
De plus, nous souhaitons revenir sur les diplômes permettant d’encadrer professionnellement la pratique du sport. Si les notions d’éthique et de respect de l’intégrité du sujet sont abordées dans les formations longues et qualifiantes ce n’est souvent pas le cas dans les formations courtes comme celles fédérales, les TFP (Titre de finalité professionnelle) et les CQP (Certificat de qualification professionnelle). La FERC CGT Sports les dénonce depuis longtemps comme étant très insuffisantes.

Ces conditions de travail, par les situations de promiscuité quasi permanentes, qui mélangent les temps dédiés à la pratique du sport et ceux à l’intimité des temps personnels, peuvent être propices à favoriser l’ascendant moral et psychologique de l’adulte et être la porte ouverte à de nombreuses dérives dues à des personnes mal intentionnées. C’est pourquoi, nous revendiquons également que le temps de travail soit intégré à la réflexion globale sur les conditions de travail dans le sport.

En effet quand nous contestons la pratique des horaires 24h/24h dans les accompagnements aux compétitions et les encadrements de stage, c’est bien pour préserver le droit au repos et faire reconnaître comme temps de travail toute heure et toute tâche en rapport avec l’encadrement. Et lorsque nous demandons, en groupe de négociation sur le temps de travail, qu’il y ait une réflexion sur la nécessité de recruter des encadrant·es pour une meilleure répartition des temps de travail entre toutes les formes d’encadrement (entraînements, compétitions, déplacements, repas, douches...), nous pensons bien évidemment à la défense des salarié·es mais c’est aussi pour nous interroger sur les conséquences néfastes possibles de ces pratiques de 24h /24h.

On les sait, par leur poids médiatique, leur image, leur présence dans la vie quotidienne de la population et en particulier des jeunes, les fédérations sportives et le ministère des sports portent une responsabilité importante dans la défense des valeurs de solidarité et de tolérance et donc doivent prendre toute leur place dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Convention Nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport

Nous revenons dans cet article sur quelques réflexions autour de cette convention qui a eu lieu le 21 février 2020, après les révélations qui ont frappé la fédération des sports de glace.

Les chiffres disponibles issus de l’étude du Professeur G. Décamps de la faculté de Psychologie de Bordeaux « Étude des violences sexuelles dans le Sport Français » montrent que 80 % des cas de violences sexuelles se passent entre sportif·ves, près de 58 % concernent des mineur·es. La Prévention ne peut pas se baser uniquement sur les contrôles « d’honorabilité », mais doit faire appel à une information puis à une vigilance de toutes et tous. Les messages à faire passer en priorité sont les suivants :
Faire savoir aux plus jeunes que leur corps leur appartient et les sensibiliser aux gestes et attitudes ambigus dans un objectif : leur apprendre à dire non !

  • Informer les éducateur·trices sur le sujet, les informer sur les signaux faibles d’alerte, vis-à-vis de situations mais également aux signes des stigmates post-agressions.
  • Informer tous les acteur·trices des attitudes à adopter pour signaler des faits suspects ou avérés et notamment les renvoyer vers le 119 (numéro de téléphone national pour l’enfance en danger), vers le 08 VICTIMES du Ministère des Sports [1] (08 842 846 37), vers le/la procureur·se de la République, vers la police et la gendarmerie.
  • Comment accompagner les victimes ou ne pas les accompagner. Parfois une aide non éclairée revient à rendre plus difficiles les enquêtes.

Les mesures annoncées par la Ministre

  1. Une formation pour les éducateurs·trices sportifs sur « l’éthique et l’intégrité ». Le gouvernement souhaite la mise en place d’un module de formation obligatoire pour tous les éducateur·trices sportifs (diplômes fédéraux, de branche et d’État) portant sur l’éthique et l’intégrité, accompagné d’un code de déontologie.
  2. L’obligation d’un « contrôle d’honorabilité » de toutes personnes en situation d’encadrement, entraîneur·ses professionnels ou bénévoles, dirigeant·es, arbitres, parents accompagnateurs ainsi que des salarié·es des structures en charge logistique qui auraient des contacts de proximité avec les sportif·ves et particulièrement les mineur·es.
    Actuellement, les éducateur·trices sportifs titulaires d’une carte professionnelle sont soumis à des contrôles systématiques par une consultation du casier judiciaire. Les Cadres d’État comme les CTS (Conseiller·e technique sportif), les CAS et les CEPJ (Conseiller·e d’éducation populaire et de jeunesse) seront maintenant également contrôlés comme les professionnel·les privés. La ministre des Sports « entend généraliser »le contrôle d’honorabilité à l’ensemble des bénévoles sportifs (1,8 million).
    Une première expérimentation s’est faite avec la Fédération française de football (FFF) en Ligue Centre. Lors de la réunion technique, ont été évoqués les difficultés de croisement des données, les limites et dangers de telles consultations, le droit légal à l’oubli (beaucoup de cas liés à l’usage de stupéfiants ou d’alcoolémie).
  3. Une campagne d’affichage obligatoire dans les Clubs : affichette 119, le 08 VICTIMES du Ministère des Sports [1].

La FERC CGT Sport revendique !

Une information préventive des enfants et des parents doit être mise en place. Dans les annonces, il n’y a rien de contraignant sur le fonctionnement des institutions sportives (les Fédérations).

Nous maintenons notre revendication, avec un sentiment d’urgence renforcé, que les règles de fonctionnement des Fédérations doivent être encadrées, que les modes électifs doivent être modifiés pour un contrôle direct par les pratiquant·es (1 licence/1 voix) et la fin des systèmes de « Grands électeurs ». Cet entre soi fonctionne du club aux comités, ligues et Fédérations. Il permet de mettre les affaires sous le tapis. Ainsi, les cas connus antérieurement ont été rarement divulgués par les milieux concernés et malheureusement quelquefois déniés par peur de l’image négative, la course aux licencié·es, aux financements, la préservation des résultats, etc.

Nous réaffirmons le rôle primordial du Ministère via ses cadres en fédération, les CTS, mais aussi en services et en établissements déconcentrés par les CAS et les CEPJ. A ce titre il est urgent, non seulement de stopper l’hémorragie des effectifs d’État, mais de regagner des postes.
En 2024, 2024 CTS, 2024 CAS, 2024 CEPJ !

Les violences subies dans le cadre des études supérieures

Les enquêtes / les chiffres

1- Une enquête (virage/université) publiée en décembre 2018 menée auprès des étudiant·es de 4 universités françaises révèle des chiffres sur les violences subies pendant les études supérieures au cours des 12 derniers mois.

Au total, 6 648 étudiant·es ont répondu à l’enquête et 1 882 (1 441 femmes et 441 hommes) ont déclaré avoir subi au moins un fait de violence au cours des 12 derniers mois.
Les violences déclarées sont soit psychologiques, soit en lien à la sexualité, en particulier pour les femmes. Ces faits surviennent dans l’enceinte de l’université mais aussi à l’extérieur. Ils sont en majorité le fait de pair·es. Les différentes formes de violences ont des incidences sur les parcours universitaires des personnes. Enfin, bien que les étudiant·es parlent des faits qu’elles·ils subissent, peu de démarches sont entreprises.

À propos des violences sexuelles, dans cette enquête, au sein des 4 universités :

  • 31,4 % des sondées déclarent un fait d’une violence sexuelle sans contact au cours des 12 derniers mois,
  • 15,2 % des sondées déclarent un fait d’agression sexuelle avec contact,
  • 1,3 % des sondées déclarent un fait d’agression sexuelle avec pénétration.

2- Une enquête réalisée par le syndicat CGT de l’ENS LYON donne des chiffres tout aussi inquiétants (165 réponses) :

  • 95 % des femmes ont entendu des blagues et des propos sexistes et sexuels dans leur environnement de travail et 30 % ont été témoins de comportement sexistes ou sexuels.
  • 45 % des femmes ont subi des attitudes discriminantes sexistes (liées au fait d’être une femme) au travail et 36 % plus d’une fois avec :
    • 20 % d’injures (plusieurs fois),
    • 25 % des propos, blagues, sous-entendus à connotation sexuelle,
    • 18 % ont reçu des messages écrits, des confidences sexuelles ou ont subi des avances non désirées (plusieurs fois),
    • 26 % des attitudes et gestes suggestifs (langues, mains, sifflements etc.),
    • 14 % avec des contacts physiques (frôlement, caresses etc.) dont 15 % sur les zones sexuelles (poitrine, fesses, cuisses, sexe) et 9 % embrassées contre leur gré.

Ces agissements sont le fait d’hommes, tous les âges sont représentés (majorité de 40 à 55 ans) et toutes les catégories professionnelles (subordonnés, supérieurs hiérarchiques, collègues, personnes extérieures au service, etc...).

  • 95 % des femmes disent que ces comportements ont eu des répercussions sur leur vie et leur travail.

Toutes les formes de traumatisme sont représentées avec en majorité le sentiment d’insécurité au travail et des atteintes sur la santé (angoisse, perte de confiance, troubles de l’alimentation, repli sur soi, etc.).

Quelles sont les obligations de l’employeur·se ?

Une obligation de sécurité pèse sur les employeurs·se privés et publics. Ils/elles sont tenus de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salarié·es et des agent·es publics :

. articles L4121-1 à 5 du code du travail définissent les obligations de l’employeur : il prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs,

. loi 83-634 du 13 juillet 1983 article 6 ter portant droits et obligations des fonctionnaires consolidée par la loi du 6 août 2012, relative au harcèlement sexuel.

Et les CHSCT ?

Les CHSCT doivent mettre en place sans délai des dispositifs spécifiques de prévention et traitement du harcèlement sexuel : information, communication, sensibilisation, actions de formations, mise à jour du DUER (document unique évaluation des risques).

Nous rappelons que le CHSCT doit être tenu informé des cas de violence identifiés et des suites qui y sont données, dans les services auprès desquels ils sont placés. (Circulaire du 9 mars 2017).