Education Enseignement Supérieur et Recherche Déclarations

 Intervention de la Confédération Générale du Travail Au CNESER du 13 novembre 2017 sur l’accès à l’université

 

Pour la Confédération Générale du Travail, chaque jeune doit pouvoir choisir sa voie à l’université !

Il est temps d’avoir une ambition pour la jeunesse de notre pays et de créer pour tous les étudiants les conditions pour qu’ils réussissent. L’afflux massif de nouveaux bacheliers à l’entrée de l’enseignement supérieur était prévisible, mais il n’a pas été anticipé. Devant la situation inédite et inacceptable vécue par de nombreux jeunes cet été, maintenir le statu quo n’est plus possible. La CGT a eu l’occasion de le dire souvent, faute de moyens suffisants et ambitieux, et avec l’austérité pour boussole, notre système d’enseignement supérieur n’est plus en capacité de remplir ses missions, ni d’assurer la promotion sociale des jeunes.

Certes il y a urgence à proposer des solutions pour les lycéens de terminale qui vont devoir déposer leurs vœux de poursuite d’études début 2018. Mais la précipitation du gouvernement pour présenter un projet de loi sur un des enjeux essentiels de notre société, celui de l’accès à l’enseignement supérieur n’a rien de neutre. Cette méthode trop connue a eu ici pour but d’instrumentaliser un prétendu dialogue social débouchant sur les dispositions que vous avez madame la ministre présentées en parallèle dans la presse ou sur les réseaux sociaux.

Concrètement, sans une forte augmentation des places non seulement dans les filières en tension, mais dans toutes les filières, votre projet fermera la porte de l’université à de nombreux bacheliers. Il s’agit donc bien de « gérer les flux d’étudiants » et non de régler les problèmes de fond.

Si des pistes intéressantes sont proposées sur la base d’expérimentations déjà mises en place pour adapter la pédagogie et l’organisation des parcours, elles ne peuvent être efficaces sans un taux d’encadrement et des moyens bien supérieurs à ceux qui sont envisagés. Pour la CGT, il ne faut pas limiter le choix des bacheliers, mais injecter d’urgence les moyens nécessaires à la réussite du plus grand nombre : il faut plus de places offertes dans toutes les filières et pas seulement celles en tension, plus de postes d’enseignants et de BIATSS pour accueillir et accompagner tous les étudiants tout au long de leur cursus.

Or, malgré les annonces faites, votre budget comme les précédents fait le choix de l’austérité budgétaire et des restrictions tout en développant une politique très généreuse d’exonérations et d’aides publiques aux entreprises. Ce budget n’est absolument pas la hauteur des enjeux. Pour la CGT, il faudrait porter dès cette année le financement de l’enseignement supérieur à 2 % du PIB. C’est cela une vraie ambition pour l’université et pour l’accompagnement des étudiants à la réussite.

Sur la transformation du cycle de licence que vous proposez : Fournir aux étudiants la possibilité d’une insertion professionnelle à l’issue de la licence est bien sûr à envisager, mais cela n’a de sens que si ce diplôme est reconnu par les employeurs et si les emplois sont créés. Et la poursuite d’études doit aussi rester un choix pour l’étudiant.

D’autre part, la modularisation des cursus qui améliorerait la réussite des étudiants ne doit pas conduire à la destruction du diplôme national de licence en le transformant en une somme de blocs de compétences. Pour la CGT, les compétences ne doivent remplacer ni les diplômes, ni les qualifications qui assurent une reconnaissance collective au sein des champs professionnels au travers notamment des grilles de classification des conventions collectives et des statuts.

Les filières courtes (aujourd’hui BTS et DUT sélectives) doivent bien être renforcées et développées pour accueillir aussi les lycéens technologiques et professionnels, tout en maintenant le droit à ceux qui le souhaitent de trouver une place en licence. Il faut aussi leur préserver la possibilité de poursuivre leurs études à l’université après l’obtention de leur BTS ou DUT. Cela ne pourra là aussi se faire à moyens constants.

De même, l’orientation est essentielle pour permettre aux lycéens de faire des choix en fonction de leurs aspirations et de leurs capacités. Mais ce à quoi l’on assiste depuis plusieurs années, c’est à la baisse régulière des volumes horaires d’enseignements dans les collèges et les lycées, à la fermeture de nombreux CIO, aux suppressions de postes de COPsy. Quant au bac pro préparé initialement en 4 ans, il est réalisé aujourd’hui en 3 ans. Ainsi, avec un cursus scolaire allégé et des sous-dotations en chaîne, on demande aux bacheliers les mêmes « attendus » qu’auparavant à l’entrée en université ! La réflexion sur le continuum BAC -3+3 s’impose.

Pour la CGT, le besoin d’élévation générale des qualifications, l’utilisation des technologies d’aujourd’hui, notamment des outils numériques, placent les jeunes diplômés au centre des enjeux stratégiques du travail.

Les jeunes dont il est question au CNESER aujourd’hui seront demain au cœur du devenir de la reconnaissance des qualifications, du financement et du niveau de protection sociale. Et puisqu’on évoque le premier cycle universitaire, il s’agit aussi de la formation des futurs salariés qui relèveront de ce qu’on désigne par l’encadrement. Eh bien, la CGT portera dans le cadre de la négociation qui doit s’ouvrir sur le statut de l’encadrement l’enjeu de la reconnaissance des diplômes dans les conventions collectives dès l’embauche, parce que nous ne voulons pas que les jeunes continuent de faire l’objet d’un dumping social. La réalité c’est que les jeunes diplômés dans toutes les entreprises, les services administratifs subissent les expérimentations de déstructuration des garanties collectives.

D’ailleurs à ce propos, votre intention de généraliser le contrat de chantier à l’ensemble des métiers de la recherche exprimée lors de la procédure budgétaire du Sénat ne ferait qu’aggraver la précarité qui gangrène la recherche publique. Cette précarisation des emplois a des conséquences graves pour les conditions de travail et les perspectives d’emploi et d’avenir des nouvelles générations de travailleurs scientifiques.

Cela obère évidemment aussi les capacités de notre pays à relever les défis majeurs comme à répondre aux nombreux besoins sociaux. Cela ne ferait que reléguer la France encore plus loin derrière les Nations qui ont compris l’enjeu de l’investissement dans leur recherche.

La CGT affirme qu’il faut relancer l’ascenseur social, ouvrir des perspectives aux jeunes diplômés, lutter contre le déclassement des jeunes qui n’ont jamais été aussi qualifiés, en dépit des discours dont on nous rebat les oreilles sur l’idée que le chômage trouverait son origine dans le défaut de formation et de qualification dans notre pays. L’enjeu est capital et stratégique pour toute notre société, une société qui s’organisera autour de la montée en puissance du travail qualifié et que nous voulons tournée vers le progrès sous tous ses aspects. Non, la sélection n’est pas une solution pour répondre à cet enjeu.