Travail et santé Guide

 Les cahiers de l’OFCT - n°1 : Aliénation ou émancipation ?

 

Le travail n’est pas uniquement la source de nos moyens d’existence. Il est avant tout la ressource. C’est notre principal moyen de développement parce qu’il mobilise systématiquement notre corps, notre intelligence, notre énergie. C’est en lui que nous injectons, de façon consciente ou non, du social, du culturel, de l’affectif, de l’histoire…. Ou plutôt des strates d’histoires…

La dimension sociale que nous lui accordons est extrêmement forte. Pour preuve, nous nous définissons tous par nos métiers. Cela traduit notre inscription dans une histoire sociale, notre rapport à nous même et aux autres. C’est par nous et pour eux que nous avons conscience de réaliser quelque chose d’utile.

Il nous permet d’affirmer notre identité, de révéler nos aptitudes, de développer nos capacités et de les réactualiser. Il nous permet ainsi de nous connaître et de nous reconnaître dans ce que nous faisons. Parce qu’au travail, nous créons tous les jours. Nous sommes en permanence inventifs, créatifs, nous réfléchissons, inventons, améliorons. De générations en générations, ces réflexions, ces recherches, nos savoir faire mis en commun ont constitué un patrimoine, des cultures de travail communes, des langages spécifiques, des professions.

Mais parallèlement, au-delà de ce que nous sommes capables de mettre en commun dans le temps, le lieu de travail est un lieu de confrontation. Confrontation au rapport différent que chacun entretient avec son travail, à partir de son environnement, ses origines familiales et sociales, son histoire singulière, sa scolarité….. Confrontation aussi à la contrainte. Celle-ci n’est pas forcément nuisible. Elle nous permet par exemple de pouvoir structurer notre temps. Le travail n’est donc pas un acte passif et pour chacun d’entre nous, il a du sens.

C’est bien cela que le patronat a cherché, au cours du temps à amputer. C’est cela que le capitalisme financier cherche aujourd’hui à éradiquer. Parce que ce sont ces sens, ces dimensions sociales et solidaires qui constituent un vrai pôle de résistance des travailleurs. Malgré toutes les contraintes, les pressions et répressions, ceux-ci continuent de résister, continuent de porter, dans la façon d’exercer leur métier, toute une conception du monde. L’enjeu aujourd’hui est de prolétariser davantage tous les travailleurs, en les dépossédant de leur savoir faire, donc de leurs métiers et professions. Il s’agit de leur retirer toute capacité à penser leur travail, à s’exprimer sur lui. Parce qu’assassiner le pouvoir de dire, de débattre et de penser, c’est assassiner le pouvoir de contester, de réagir d’agir.