Travail et santé Guide

 Les cahiers de l’OFCT - n°1 : les travailleurs, ces héros !

 

La souffrance au travail s’est généralisée, est ressentie individuellement quand elle est avant tout éminemment sociale. Elle prend sa source dans le travail amputé, empêché, dans le surtravail, la mauvaise fatigue, la pénibilité. Travailleurs héros parce qu’un seul aujourd’hui fait le travail de 3.

Les organisations du travail sont schizophréniques : les exigences sont croissantes, il faut toujours plus de compétences et de qualifications quand cellesci sont en même temps déniées, méprisées, mal rémunérées. Les injonctions sont contradictoires, les objectifs non atteignables, le management violent…. Travailleurs héros parce qu’ils continuent de donner du sens à ce qu’ils font.

Le mythe de la performance, de l’excellence stigmatise les travailleurs, en fait les suspects n°1, des tricheurs, ce qui génère aussi un renforcement totalitaire des contrôles et des pratiques. Travailleurs héros parce qu’ils continuent de porter, de défendre une éthique de leur métier.

L’idéologie du tout marché disqualifie le rôle social tenu par chacun, plombe la légitimité de l’acte de travail et percute fortement les identités professionnelles. Elle tente d’abattre les métiers pour une employabilité sans droit : des travailleurs liquides, caméléons. Travailleurs héros parce qu’ils s’adaptent à l’instant, savent tout faire, sont fiers de leurs métiers, réfléchissent malgré tout à leur utilité sociale.
Et pourtant elle tourne la société ! Parce que les travailleurs résistent, s’évertuent à trouver au quotidien les moyens de faire leur travail, et de bien le faire. Ils utilisent toutes leurs énergies, souvent jusqu’à l’épuisement, tels des marathoniens. Ils utilisent leur intelligence à trouver les parades pour réaliser un travail fondamentalement empêché.

Alors oui, les travailleurs sont des héros : ils sont tous dans des circonstances particulières, dans un monde qui leur a déclaré la guerre ; ils sont seuls puisque les collectifs de travail sont régulièrement explosés.

Ils, Elles résistent. C’est pour cela qu’Elles, qu’Ils sont encore debout

Aujourd’hui, plus que jamais, le syndicalisme ne doit-il pas plus mettre en lumière ces combats souterrains ? Ne doit-il pas davantage re-créer les conditions de l’entraide, de la solidarité, de la fraternité pour que les travailleurs ne soient plus des héros dans la souffrance mais des héros de conquêtes sociales ? Le syndicalisme ne doit-il pas mieux réfléchir aux moyens de créer les conditions pour passer de la résistance individuelle à la résistance collective, pour penser et construire l’émancipation sociale ?

A lui de créer les conditions pour que chacun ne soit plus un surhomme au travail mais puisse s’y réaliser sans atteinte à sa dignité et à son intégrité, sans amputation de son espérance de vie, ni renoncement aux utopies.

Par leurs « travails », ce sont les travailleuses, les travailleurs qui sont et qui fondent l’humanité.