Laïcité

 Parole à... Corine Sagliet - SNEIP CGT Paris

 

Peux-tu nous parler de l’évolution de l’enseignement privé depuis la loi Debré de 1959 ?

De la loi Debré (1959), qui permet aux établissements privés de passer un contrat avec l’État, à la loi Carle (2009) qui accroît la charge des communes dans le financement des écoles privées, en passant par les lois Guermeur (1977) donnant aux maîtres du privé les mêmes avantages sociaux qu’à ceux du public, et Censi (2005) qui rapproche les retraites des enseignant·es du privé de celles des enseignant·es du public, l’enseignement privé a obtenu toujours plus d’argent de la part des pouvoirs publics.

En juin 1992 sont signés les « accords Lang-Cloupet », qui entendent régler le contentieux entre l’État et l’enseignement catholique, notamment sur le forfait d’externat et sur la formation des maîtres.

Au quotidien, « le caractère propre » représente l’argument de choc des établissements privés sous contrat qui « les autorise » à faire passer un entretien afin d’obtenir un pré-accord avec le diocèse. Sans préaccord, point de salut !

Les établissements sous contrat d’association avec l’État doivent garantir que l’enseignement dispensé est laïque et que la liberté de conscience est assurée. C’est la contrepartie du financement par l’État. Dans les faits, les rectorats préfèrent bien souvent regarder ailleurs… Ce n’est que par l’action syndicale qu’on peut les obliger à faire respecter nos droits et la loi !

Quels problèmes rencontre le SNEIP-CGT concernant les Masters Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation (MEEF) ?

Mis en place à la rentrée 2013, les Masters Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation (MEEF) sont délivrés à l’issue d’un cursus de 2 ans en ESPE (École Supérieure du Professorat et de l’Éducation) prévoyant contenus disciplinaires, contenus didactiques et stages en observation puis responsabilités.

Premier problème : les Masters sont effectués pour les enseignant·es se destinant au privé sous contrat dans des instituts catholiques aux frais d’inscription exorbitants. De plus, on observe de grandes disparités pour le même Master entre différents instituts. C’en est fini de l’égalité face au concours des candidat·es.

Deuxième problème : alors que le SNEIP-CGT a fait annuler par le Conseil d’État la circulaire obligeant les lauréat·es du concours du privé sous contrat à effectuer leur 2e année de Master dans un institut privé, le SGEC persiste et prévoit un entretien en sus du préaccord pour vérifier que les stagiaires en M2 dans une ESPE publique « correspondent bien au projet de l’enseignement catholique ». Cela au mépris total de la liberté de conscience, du droit pour chacun·e de choisir son lieu de formation.
Le SNEIP-CGT revendique la même formation, dans les mêmes lieux et selon les mêmes modalités pour tous les étudiant·es se destinant à l’enseignement, dans le privé comme dans le public.

Quand un·e enseignant·e demande une mutation en province, comment cela se passe-t-il ?

De nombreux diocèses réclament des frais de fonctionnement à tout enseignant·e désirant muter. (A Paris : 11 € pour demander une mutation en province). Le SNEIP-CGT a réussi dans de nombreuses académies à faire cesser ce système.
Pas facile d’obtenir une mutation quand on est certifié et qu’un non contractuel (DA sans concours) est sur le poste. Les chef·fes d’établissement se cachent derrière le caractère propre et le rectorat ferme les yeux. L’an dernier une lauréate certifiée chinois ne pouvait obtenir satisfaction sur Paris alors qu’un poste était vacant. Le rectorat lui proposait d’enseigner dans trois lycées différents pour un temps plein.
Nous nous sommes battus et avons obtenu satisfaction. C’est le DA qui est sur les trois établissements.

Au quotidien, enseigner dans un établissement catholique, ça se passe comment ?
Pas facile, quand dans les écoles primaires, il est coutumier d’imposer aux professeur·es une 28e heure consacrée à la catéchèse, alors que cela ne devrait reposer que sur du volontariat.

Pas facile non plus d’échapper à un voyage « pèlerinage » ou une
« journée de réflexion sur la pastorale » quand tout l’établissement y va. Bien entendu ce voyage est déclaré au rectorat « voyage d’étude ou journée pédagogique… »

Pas facile de devoir supprimer tous les cours quand les funérailles du pape sont retransmises en direct dans les couloirs de l’établissement…
Pas facile, d’enseigner certaines matières comme les SVT.
Pas facile quand on est seul·e, isolé·e, sans concours. C’est pourquoi il est important de se regrouper, de se syndiquer pour faire respecter sa liberté !

Pour nous, au SNEIP-CGT, les libertés ne peuvent pas se partager !
C’est pour cela que la laïcité que nous portons est indissociable d’une perspective d’émancipation humaine.