Formation professionnelle SN CGT AFPA

 Rencontre de l’intersyndicale CGT, CFDT, FO, SUD et CFTC de l’AFPA DGEFP - 27 juin 2017

 

Intervention délégation CGT

Merci, Madame la Déléguée Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle de recevoir les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, SUD et CFTC de l’AFPA.

Préambule

Cela fait certes suite à notre sollicitation collective auprès du Premier Ministre, sous la forme d’un courrier que nous lui avons adressé le 19 mai 2017. Cette démarche directe auprès de Premier Ministre s’appuie sur une réflexion partagée d’un besoin urgent d’une réponse politique aux problématiques de l’AFPA et de la formation professionnelle. Nous souhaitons que cette rencontre permette de poser ces enjeux politiques et de s’inscrire dans une réflexion de moyen et long terme, au-delà des problématiques très prégnantes de court-terme comme la situation financière et la trésorerie ou les difficultés manifestes à réaliser les niveaux d’activité ambitionnés avec les conseils régionaux.

La transformation de l’AFPA en EPIC s’est imposée pour sortir l’association d’une situation de cessation de paiement et d’absence de fonds propres, par le transfert partiel du patrimoine immobilier occupé. De l’avis unanime, cette étape incontournable ne permet en rien de résoudre les autres problèmes structurels. Ce que les pouvoirs publics et vous-même avez pu exprimer en diverses occasions par ce qui pourrait se résumer ainsi : « L’AFPA doit changer de modèle économique ».

"La transformation de l’Afpa en Epic n’est pas de nature à résoudre les difficultés financières auxquelles cet organisme est confronté depuis plusieurs années, à défaut d’une véritable réflexion sur son modèle économique" : rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget consacré par l’État à l’emploi et à la formation professionnelle en 2016.

Vous l’avez compris, les organisations syndicales ici présentes sont particulièrement soucieuses de l’avenir de l’AFPA et de sa place dans le paysage de la formation professionnelle, et encore plus spécifiquement de « la formation et [de] la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi et de sa contribution à leur insertion professionnelle » (mission de service public de l’AFPA, article 39 de la loi du 17 août 2015 relative à l’emploi et au dialogue social).

Par contre, les politiques de suppressions d’emplois, comme seule « stratégie » ne sont aucunement la solution de notre point de vue. L’attrition par non remplacement des départs, facilités par une pyramide des âges opportune, se traduit par des conséquences délétères sur ceux qui restent, sans rien résoudre des problèmes structurels. Nous sommes convaincus qu’il faut, au contraire, développer de manière conséquente l’activité de l’AFPA pour qu’elle accueille davantage de personnes et sur des durées adaptées à leurs besoins. Ses missions de service public mettent largement en perspective le service rendu aux usagers. Au-delà de la formation, l’enjeu est la mobilisation d’une prestation globale de services associés qui permette l’insertion professionnelle la plus large des publics accueillis. Ce fut le métier de l’AFPA, il reste cruellement d’actualité face aux besoins nationaux et au nombre de demandeurs d’emploi démunis.

Les annonces faites par le Président de la République et le plan d’investissement de 15Mds€ sur la mandature dans la formation professionnelle donnent à penser que l’AFPA pourrait, devrait avoir un rôle important dans cette politique volontariste.
Mais il y a urgence de notre point de vue à ce que l’AFPA soit clairement identifiée comme un opérateur différent des autres : établissement public à réseau national et à vocation de servir les politiques publiques dans le cadre de ses missions de service public posées par la loi du 17 août 2015.

Au-delà de ces préoccupations stratégiques et économiques, ce qui nous inquiète au plus haut point c’est la dégradation des conditions de travail des agents de l’AFPA. Après une expertise ayant constaté des « troubles psycho-sociaux avérés », les annonces de pertes de presque tous les marchés « conseil régional » en région Pays de la Loire au profit du GRETA (ainsi que dans d’autres régions à moindre degré), suite à ce qui pourrait être une politique de dumping sur les prix, nécessitent un traitement d’envergure et collectif. Il s’agit aussi de prévenir de telles situations inacceptables où la concurrence est évidemment faussée, et préjudiciables à la qualité et à l’efficacité des prestations de formation servies aux bénéficiaires des plans de formation régionaux.

Là encore, c’est le manque d’activité qui est directement en cause. C’est aussi l’instabilité et la précarité des plateaux techniques qu’elle instaure. Résoudre la problématique d’une activité structurante stabilisée dans le moyen et le long terme est la condition sine qua non d’une sécurisation des personnels de l’AFPA.

Pour le syndicat CGT de l’AFPA

Il y a urgence d’une part à clarifier les intentions gouvernementales concernant l’activité de l’AFPA, d’autre part à définir une véritable stratégie de développement des activités de l’AFPA dans le cadre de ses missions de service public au service des politiques publiques de l’emploi. De ce point de vue, le conseil d’administration de l’EPIC, semble beaucoup plus intéressé par les arcanes administratives et juridiques de la mise en place de l’imbroglio « EPIC et ses deux filiales » ainsi que par le contrôle des charges et dépenses, que par les orientations stratégiques. Comme si toute l’approche stratégique de l’agence AFPA se résumait au seul Contrat d’Objectifs et de Performance à venir (… mais quand ?). La crainte est évidemment que cette feuille de route fasse l’impasse sur la qualité et l’efficacité du service rendu au profit d’une principale politique de réduction des charges pour un équilibre économique qui malheureusement fuit en même temps que baissent activité et moyens.

Le plan « 500 000 formations supplémentaires » comportait un volet qui n’a pas été mis en œuvre et qui concernait potentiellement directement l’AFPA, avec :

  • un programme de formations nationales portant sur des formations rares (c’est-à-dire à faibles effectifs à l’échelle nationale), mais indispensables, nécessitant d’ouvrir un recrutement sur tout le territoire et d’offrir des modalités de restauration-hébergement en conséquence (l’AFPA a longtemps offert de telles formations, permettant à des régions comme le Limousin de recevoir des stagiaires de toute la France sur certaines de ses formations),
  • des formations sur des métiers émergents, à caractère plus expérimental, en lien et complémentarité avec l’expertise de l’ingénierie de l’AFPA, permettant d’ouvrir sur d’éventuels nouveaux titres professionnels (l’AFPA a longtemps été ce bureau d’études anticipant et intégrant les évolutions des métiers mais aussi du travail et les mettant à disposition des autres organismes de formation).

L’article 126 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite Sapin II le permet pourtant :
Article L.6122-1 du code du Travail : « I- L’État peut organiser et financer, au profit des personnes à la recherche d’un emploi, des formations dont le faible développement ou le caractère émergent justifient, temporairement ou durablement, des actions définies au niveau national pour répondre aux besoins de compétences. … »

La loi de mars 2014 et les services d’intérêt général européens permettent aux Régions d’intégrer une mise en œuvre beaucoup plus structurée et planifiée avec des modes d’organisation plus partenariaux que la mise en concurrence par appels d’offres. Pourtant, elles ne s’en saisissent pas et nous pensons que l’Etat et le législateur devraient contribuer à faciliter, clarifier, simplifier et encourager cette approche beaucoup plus structurante et stable du monde de la formation professionnelle.

La CGT AFPA renvoie l’État ou le législateur à l’élaboration d’autres modes de contractualisation, allégeant les formalités administratives et de contrôle, à l’exemple de ce qu’il a été possible par le ministère de l’environnement avec le décret n° 2016-1129 du 17 août 2016 relatif à la procédure de dialogue concurrentiel pour les installations de production d’électricité.

De façon encore plus structurelle, nous continuons à penser que le gouvernement et l’Etat doivent proposer d’autres modes de contractualisations car ils ne sont pas allés au bout de leur responsabilité en tant que garants des obligations posées par la Constitution et l’article 900-1 du code du Travail. L’appartenance au SPE, aux côtés de Pôle Emploi et le nouveau statut d’EPIC justifient la légalisation d’un autre mode de contractualisation entre l’AFPA et les Régions ou Pôle Emploi, qui sorte de la mise en concurrence abrupte actuelle selon le Code des Marchés Publics. La marchandisation de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi est contreproductive. Elle a généré une surenchère à la baisse sur les prix (souvent le seul critère véritablement discriminant dans les réponses à appels d’offres). Cela s’est traduit par une baisse des moyens mobilisés et une dégradation de la qualité des formations et souvent le non financement des services associés, dont l’accompagnement, facteur indéniable de réussite des publics les plus éloignés de l’emploi.

Article L900-1 du Code du Travail
La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle comporte une formation initiale et des formations ultérieures destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent. Ces formations ultérieures constituent la formation professionnelle continue. La formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l’emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale. Elle vise également à permettre le retour à l’emploi des personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance. L’Etat, les collectivités locales, les établissements publics, les établissements d’enseignement publics et privés, les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales, ainsi que les entreprises, concourent à l’assurer. Toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle, en vue de l’acquisition d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l’emploi d’une branche professionnelle, enregistrés dans le répertoire national des certifications professionnelles visé à l’article L. 335-6 du code de l’éducation. Lorsque la personne en cause est salariée, elle peut bénéficier d’un congé pour validation des acquis de l’expérience dans les conditions de durée prévues à l’article L. 931-22 et selon les modalités fixées aux articles L. 931-23, L. 931-25 et L. 931-26 ainsi qu’aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 931-24. Les conditions d’application de ces dispositions sont fixées par décret en Conseil d’État.

La soumission de la formation professionnelle à la concurrence par le biais d’appels d’offres a, par ailleurs, provoqué une surenchère de contrôles, justificatifs et procédures qui occupent tant les attributaires que les commanditaires. Toute cette bureaucratie coûte chère et prend beaucoup de temps qui ne sont pas consacrés à l’acte formatif. De même, les systèmes d’information sont trop souvent étanches les uns aux autres et nécessitent des ressaisies d’informations nominatives stériles, sans apporter la moindre plus-value.
En conséquence, nous demandons aussi à ce que les systèmes d’information soient harmonisés au niveau national pour l’ensemble de la filière orientation - formation – emploi. Aujourd’hui, l’Etat devrait piloter une démarche commune et partagée de cahier des charges et de SI, par exemple sur la base des outils de Pôle Emploi. Cette coopération entre l’AFPA et Pôle Emploi a été tentée depuis plus de 10 ans. La place de l’agence AFPA au sein du SPE la rend évidente et stratégique.

Il faut aussi sortir de la contractualisation sur la base d’heures travaillées stagiaires. Ce ne sont pas les stagiaires qui travaillent et qui justifient par leur temps passé en formation la rémunération du prestataire de formation. Plus rationnelle serait la rémunération des organismes de formation sur la base du temps formateur. Mais pour rendre compte des moyens véritablement mobilisés pour la réussite des stagiaires, il faut pouvoir rendre compte du chemin parcouru par chaque personne formée de sa situation initiale à sa réussite. Observer les seuls résultats en fin de parcours et le temps passé en formation ne permet pas d’identifier la valeur sociale ajoutée par l’organisme de formation.

Bien au-delà du décret n° 2015-790 du 30 juin 2015 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle continue, nous proposons d’évaluer la « valeur sociale ajoutée » produite par l’organisme de formation en totalisant les chemins parcourus par chaque personne formée. Un modèle économétrique et un scoring pourraient vraisemblablement objectiver une quantification de cet « enrichissement humain » de la collectivité produit par le service public de formation professionnelle. Sa contribution à la politique nationale pourrait être évaluée et comparée à celles des autres organismes de formation.

Un autre indicateur rendrait compte de son efficacité sociale en divisant cette valeur ajoutée sociale « globale » par le nombre de personnes formées. Cela permettrait d’évaluer le chemin moyen parcouru par les stagiaires. L’approche permettrait d’évaluer la distance moyenne parcourue par les personnes formées. Ce serait une manière d’apprécier le rapprochement opéré des personnes les plus éloignées de l’emploi.

En confrontant cette production sociale aux moyens mobilisés pour y parvenir, cela rendrait aussi compte, in fine, de l’efficacité sociale de l’utilisation des fonds publics, une forme de retour « social » sur investissement.

Naturellement, cela induit une logique de parcours de formation professionnelle, entre un point de départ qui peut être très éloigné de l’emploi (ou non) et un point d’arrivée jusqu’à l’emploi (ou une situation intermédiaire permettant déjà un rebond). Ce serait le moyen de rendre justice aux moyens déployés par les organismes de formation pour le chemin parcouru. Cela ouvre aussi la possibilité à chaque prestataire de définir les moyens qu’il évalue comme nécessaires, voire indispensables à la réussite de chaque personne accompagnée, y compris en mobilisant les partenariats incontournables pour couvrir les besoins sociaux ou sanitaires, par exemple. De même, la liberté du choix du chemin rend incontournable la question de l’orientation pédagogique dans la construction du parcours tant pédagogique, que chronologique et son séquencement au regard des spécificités et des contraintes individuelles.

C’est ce que nous résumons par « A chacun selon ses besoins » par opposition à la tendance actuelle d’un libéralisme individualiste qui voudrait que chacun mobilise des moyens selon des droits acquis. Cela n’est pas équitable pour les personnes les plus éloignées de l’emploi qui ont bien souvent besoin de davantage de moyens et d’autant plus grandes difficultés à les cerner et les résoudre. Pour elles, cela ne se résume à des droits en heures de CPA ou au CEP mais nécessite un accompagnement adapté, à géométrie variable et parfois de temps pour organiser les étapes du parcours. Voilà une vraie valeur sociale ajoutée que l’AFPA a su et pu prodiguer par le passé mais qu’il n’est plus possible de mettre en œuvre aujourd’hui au regard des cahier des charges des appels d’offres et de la mise en concurrence qui aboutit actuellement à l’attribution au moins-disant.

Le principe de « sécurité sociale professionnelle » tel que défendu par la CGT est empreint de ces valeurs. Dans ce système mutualisé et solidaire, l’Agence AFPA a bien évidemment un rôle majeur en tant qu’acteur de par sa taille et son réseau. Mais elle devrait aussi apparaître comme ensemblier en permettant des partenariats et des complémentarités avec des acteurs plus locaux ou plus spécialisés. Ce rôle a déjà été suscité à plusieurs reprises par le passé et il est évidemment dans l’esprit des missions de service public conférées par la loi. C’est pour nous une logique similaire à celle qui définit la place de l’agence AFPA comme lien entre les politiques nationales de formation professionnelle et de l’emploi au sein du service public de l’emploi, d’une part, et les mises en œuvre territoriales par les Régions, Pôle Emploi, les OPCA et les OPACIF, d’autre part.

Nous venons de vous présenter des interrogations et des propositions. Nous sommes en attente de ce que le gouvernement, puis l’État retiendront et voudront bien mettre en œuvre pour enfin élaborer une véritable stratégie d’avenir pour l’agence AFPA.