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 Sport : sifflons le hors-jeu des inégalités femmes-hommes

 

Dans le cadre de sa campagne mensuelle de lutte pour les droits des femmes, la Fédération de l’Éducation de la Recherche et de la Culture de la CGT s’associe à la Journée Internationale du Sport féminin, le 24 janvier 2021 pour dénoncer les discriminations, les inégalités salariales et les violences faites aux femmes dans le sport. En effet, la FERC CGT s’attaque à tous les facteurs de construction des discriminations, qui font système dans les processus de domination des femmes, afin de garantir l’émancipation de tout·es les salarié·es au travail et dans la société par le syndicalisme.

A l’image du reste de la société, le monde du sport est sexiste avec une dimension particulière, celle du rapport au corps. Ainsi, les normes de féminité et de masculinité sont intimement liées aux pratiques sportives : les hommes qui n’aiment pas le sport se verront reprocher leur manque de virilité, les femmes musclées de s’écarter des standards de la féminité.

Le sport : une activité genrée et sexualisée

Dès l’école, il suffit de regarder une cour de récréation, pour constater le poids des stéréotypes que ce soit au niveau de l’occupation de l’espace que des jeux pratiqués par les garçons et les filles. L’enseignement de l’éducation physique et sportive (EPS) se confronte à des problèmes de motivation face à des activités fortement identifiées masculines ou féminines et à la gestion difficile de la mixité.

Chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans, 77 % des garçons contre 60 % des filles pratiquent au moins une activité physique et sportive (APS) en dehors des cours d’éducation physique et sportive (EPS) et les chiffres parlent d’eux-mêmes quant au sport choisi : le rugby avec 3 % de filles chez les licencié·es, la danse 93 % de filles.
Chez les adultes, 33 % des femmes exercent une activité régulière au moins une fois par semaine et elles représentent 37,5 % des licencié·es dans les fédérations (5,8 % foot, 6,37 % rugby, 49 % natation).

Dans les espaces sportifs, les genres sont souvent séparés, la mixité limitée, et les compétitions cloisonnées.

Pour Antoine Leblanc, géographe et Philippe Liotard, sociologue : « L’espace sportif demeure un lieu où se performe une masculinité conquérante, qui se traduit notamment par une dévalorisation des femmes et une mise à l’écart, plus ou moins violente, des personnes homosexuelles, intersexuées ou trans »

Une construction masculine historique et des luttes féministes

Béatrice Barbusse, sociologue et présidente du centre national pour le développement du sport (CNDS) a démontré que le sport était une construction historique masculine : c’est une activité socialisatrice pour les hommes, là où ils apprennent depuis l’Antiquité à devenir des hommes.

Depuis longtemps les femmes luttent pour exister dans cet univers masculin, pouvoir pratiquer et participer à des compétitions malgré les nombreuses réticences masculines violemment exprimées. Le chemin est long pour gagner en visibilité. Ainsi, en 1881, a lieu la première rencontre internationale de football féminin entre l’Écosse et l’Angleterre et dès 1894, le british médical journal écrit « le football devrait être banni [pour les femmes] car il est dangereux pour les organes reproducteurs et la poitrine en raison des secousses brutales, des torsions et des coups inhérents au jeu ».

Nettie Hoheyball a fondé en 1895 en Angleterre le tout premier club féminin de l’histoire : le British Ladies’ Football Club pour « prouver au monde que les femmes ne sont pas les créatures ornementales et inutiles que les hommes imaginent ». Et d’affirmer « Toutes mes convictions penchent du côté de l’émancipation ». En 1902, la fédération anglaise de football interdit le football féminin, en considérant ce sport comme trop dur et trop masculin.

En 1900, 22 femmes sont présentes au JO de Paris, dont Charlotte Cooper, joueuse de tennis anglaise et Margarett Abbott, golfeuse américaine : les deux premières championnes olympiques. Maurice Boguey, théoricien de l’activité physique affirme : « la femme n’est pas faite pour lutter mais pour procréer ».

Les femmes investissent massivement les terrains pendant la première guerre mondiale mais elles se prennent un rappel à l’ordre masculin en 1921 avec une interdiction de la fédération de football à ses clubs de prêter les terrains aux équipes féminines. Il faudra attendre 1991 pour voir naître la première coupe du monde féminine.

Nicole Abar¹, huit fois championne en équipe de France de foot de 1975 à 1995, a fait condamner son club du Plessis-Robinson (92) pour discrimination sexiste car les dirigeants voulaient arrêter les sections féminines (une centaine de licenciées).

Nantaise, Alice MILLIAT a milité pendant 20 ans pour la participation des femmes dans l’intégralité du programme aux jeux olympiques modernes. Les réticences du misogyne baron de Coubertin sont importantes envers les femmes athlètes et leurs pratiques sportives. Alice organisera des jeux mondiaux féminins entre 1926 et 1934. Par ce biais elle souhaite prouver les capacités sportives des femmes. Il faudra attendre 1990 pour que le CIO rende obligatoires les épreuves féminines pour tout nouveau sport olympique. En 2019, 33 % des membres du CIO sont des femmes et à Rio, 45 % des athlètes sont féminines.

Hyperandrogénie : un facteur de discrimination supplémentaire

Dans le monde sportif, certaines peuvent être victimes d’une discrimination supplémentaire. Avoir des marqueurs masculins trop importants, dont le taux de testostérone, peut entraîner des entraves dans leur participation aux compétitions sportives. Ainsi, comme Caster Semenya, athlète sud-africaine, triple championne du monde et double championne olympique du 800 mètres, les athlètes concernées voient leurs performances remises en cause (elles seraient « trop fortes » pour des femmes) et elles peuvent être interdites de compétition par les instances dirigeantes du sport. On leur propose des traitements pour modifier leurs taux d’hormones. Pire, certaines ont subi des gonadectomies, ablation des glandes responsables du taux élevé de testostérone, sans leur consentement, comme l’ougandaise Annet Negesa.

Gagner en visibilité du sport féminin

Pourtant le sport ne devrait pas avoir de sexe et pour cela il faudrait ouvrir les espaces, en finir avec l’entre-soi masculin des instances, cibler les subventions pour la pratique féminine, d’où l’importance d’une politique publique du sport, pour laquelle Marie-Georges Buffet (2) avait œuvré.

Le sport féminin est plus visible quand garçons et filles sont sur le même terrain. Des expériences sont menées dans des clubs pour favoriser la mixité à travers la pratique sportive.

Aux prochains JO, 13 épreuves devraient être mixtes. Quand des pays interdisent encore la pratique sportive aux femmes, il est important de l’internationaliser afin de donner un message fort aux pays menant cette politique discriminatoire.

Mettre en valeur la pratique sportive chez les femmes autant que chez les hommes se joue aussi lors des retransmissions du sport féminin à la télévision alors qu’elles se situent seulement entre 16 et 20 % (source CSA), avec 35 % parmi les expertes à la télévision ou radio.

Le manque de représentativité des femmes dans les fédérations ou à des postes d’entraîneuses ou manageuses contribue à véhiculer les stéréotypes de genre.

Ce n’est qu’en 2014, qu’une footballeuse internationale, Corinne Diacre, est devenue la première femme à entraîner une équipe masculine professionnelle de football.

Des inégalités de rémunérations scandaleuses

Pour ne prendre qu’un exemple, en France le salaire moyen des femmes footballeuses en division 1 se situe entre 2000 et 3000 euros alors que les hommes touchent en moyenne 60 000 euros en ligue 1.

Des luttes existent dans d’autres pays pour dénoncer ces inégalités. Ainsi aux États-Unis, cinq joueuses internationales de football ont eu le courage d’attaquer leur fédération pour discrimination salariale et ont obtenu un accord prévoyant de doubler les salaires et primes.

En Norvège, dans ce même sport les femmes ont obtenu l’égalité salariale et les danoises ont mené une fronde pour l’obtenir.

Mais en France, il existe une sorte d’omerta, avec des femmes peu syndiquées et ayant peur de l’être. Parce que le foot féminin n’engendre pas assez de revenus (90 % des revenus de la fédération française proviennent des recettes commerciales de l’équipe masculine), il ne saurait être question d’égalité salariale.

Comment le sport au féminin peut-il être rentable quand on voit toutes les barrières patriarcales et sexistes pour qu’il puisse exister.

Mais le sport féminin commence à se structurer à l’instar des cyclistes féminines qui ont créé l’AFCC (Association française des coureures cyclistes) avec pour objectifs d’améliorer les conditions de travail des femmes, défendre leurs droits et leurs intérêts, obtenir la reconnaissance du statut de pro, pouvoir échanger avec la fédération, assurer la promotion du cyclisme féminin.

Agression sexuelles dans le milieu du sports

Dans la droite ligne du mouvement MeToo, les affaires d’agressions ont fait surface dans le monde du sport. Sarah Abitbol, ancienne championne de patinage a dévoilé dans son livre en 2020 les abus dont elle a été victime par son ancien entraîneur.

Après huit mois d’enquête dans le milieu sportif, Disclose (média à but non lucratif) dévoile 77 affaires marquées par des dysfonctionnements graves qui ont fait au moins 276 victimes, la plupart âgées de moins de 15 ans au moment des faits. Près de la moitié des agresseurs recensés par Disclose ont commis une nouvelle infraction à caractère sexuel malgré une condamnation pour des faits similaires. Dans de nombreux cas, des hommes condamnés ou poursuivis pour des violences sexuelles ont continué à encadrer de jeunes sportif·ves. Grâce au soutien de dirigeants ou en changeant tout simplement de club.

Clubs, ligues, fédérations, dirigeant·es sportifs… Les instances ont souvent cherché à étouffer des cas de violences sexuelles dans le sport ou n’ont pas alerté la justice, comme l’exige la loi. Cette enquête conclut que le nombre et la récurrence des violences sexuelles contre de jeunes sportif·ves appellent des mesures urgentes.

Face à ces constats dans le monde sportif, la FERC CGT rappelle :

  • qu’elle combat le système patriarcal, fondé sur une domination des hommes sur les femmes et toute forme de discrimination ;
  • qu’elle lutte pour l’égalité filles-garçons et dénonce les stéréotypes de genre ;
  • qu’elle revendique une politique publique de sport aidant la pratique féminine ;
  • qu’elle défend l’accès des femmes aux postes de responsabilités dans tous les métiers y compris ceux du sport ;
  • qu’elle revendique l’égalité salariale et professionnelle et la fin de la marchandisation du sport ;
  • qu’elle lutte contre toutes formes de violences sexistes et sexuelles et demande leur condamnation avec l’exigence de réparations.