RetraitéE - continuité syndicale Sécurité sociale UFR

 Un livre témoignage sur « la ruée vers l’or gris »

 

La sortie fin janvier du livre, enquête du journaliste Victor Castanet Les fossoyeurs, a provoqué une prise de conscience brutale sur la dérive mercantile du premier groupe mondial D’EHPAD : ORPEA.

Au tournant des années 70-80, pour répondre aux besoins d’une population croissante de personnes du troisième âge, l’État laisse filer entre les mains d’acteur·trices privés le secteur de la dépendance. Les maisons de retraite publiques ne suffisent plus, la ruée vers l’or gris peut commencer. L’enquête du journaliste s’appuie sur de très nombreux témoignages, en particulier sur ceux de l’établissement Les bords de Seine à Neuilly. Créé en 2010 cet établissement de luxe (6000 à 12500 € de tarif mensuel forfaitaire) n’est qu’une partie infinitésimale de l’empire ORPEA : 1150 établissements, 116000 lits dans 23 pays. Ce qui génère bien sûr d’importants profits.

Économie et maltraitance<:span>

L’économie est au poste de commande car elle conditionne les bénéfices : pour l’incontinence des vieux, 3 couches par jour, pas plus. Des témoignages de maltraitance abondent : un résident alzheimer enfermé dans sa propre chambre, des résident·es dénutris, la pensionnaire Françoise Dorin morte d’un escarre mal soigné, une euthanasie réalisée sans l’accord de la famille... Pour finir, des dames de compagnie, au frais de la famille pour pallier les dysfonctionnements locaux. Rappelons que le modèle des EHPAD repose en grande partie sur l’argent public. Le personnel soignant, le matériel médical et les protections hygiéniques sont largement pris en charge par les dotations publiques : ARS et Conseils départementaux.

La dictature ORPEA

Au sommet du système, un trio de managers tout-puissants, qui veulent que ça rapporte. Optimiser le taux d’occupation des chambres, réduire le nombre de soignant·es et de médecin·es, maximiser le coût de chaque patient·e pour l’assurance maladie et les mutuelles, réclamer des ristournes de fin d’année pour l’achat de produits payés par l’argent public, telle est la stratégie financière déployée. Les directeur·trices récalcitrants sont soumis à rude épreuve. Des directeur·trices « nettoyeurs », selon la formule d’un témoin, fouillent les ordinateurs, préparent des attestations prudhommales, retournent le personnel. Les directeur·trices trop rétifs sont démissionnés. Pour mieux contrôler le personnel, au début des années 2000, le groupe va jusqu’à créer un syndicat maison « arc-en-ciel ». Au prix de menaces contre d’autres représentant·es syndicaux, au prix de dysfonctionnements aux élections professionnelles, on obtient des délégué·es maison prêts à servir.

Un bras long à couper

Le groupe ORPEA au cours de ces dix dernières années a connu un développement important. Pour obtenir des autorisations de construire, un apporteur d’affaires officie pour mettre en relation ORPEA avec des décideur·ses politiques, maires, député·es etc. Victor Castanet dénonce le rôle joué par l’assureur de St Quentin, Xavier Bertrand, à deux reprises ministre de la santé de Nicolas Sarkozy entre 2005 et 2012, et qui était en lien avec ORPEA. Durant cette période le marché des EHPAD et des cliniques privées a littéralement explosé. Une ancienne ministre de la santé, Elisabeth Hubert, entre mai et novembre 1995 au gouvernement Juppé, reconnaît que dans les années 2000, elle a servi de consultante pour ORPEA. Ainsi vont les affaires. Le marché juteux a de l’avenir. On prévoie qu’il faudra prendre en charge 40 000 personnes en perte d’autonomie chaque année entre 2030 et 2040.

Il est temps d’en finir avec ce système de marchandisation. Un livre à lire impérativement !