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 Bulletin IHS n°17

 

Édito

Il est difficile de caractériser un mouvement social sans le recul nécessaire. Pour autant, ces 4 mois de janvier à avril 2023, la période qui les a précédés et celle qui va se poursuivre avec l’organisation d’un premier mai certainement exceptionnel sont vécus comme historiques, porteurs de très forts enjeux pour le syndicalisme. C’est vrai, et ce quelle qu’en soit l’issue. Aujourd’hui, au moment d’écrire cet édito, beaucoup de scénarii restent possibles.

Les dates qui nous viennent à l’esprit sont celles de décembre 95 sur les retraites et la sécu, celle de 2006 sur le CPE et plus en amont mai 1968 où les luttes victorieuses avaient ouvert des horizons nouveaux. Les salarié·es ne veulent pas revivre les défaites de 2003 ou 2010 et pour cela sont prêt·es à se battre jusqu’au bout. « On ne lâche rien ! » ont scandé des millions de personnes pendant des mois.

L’existence d’une intersyndicale large, unie, sur des bases communes claires, se déclinant sur tout le territoire avec la mobilisation de millions de personnes très déterminées, illustre le rejet du projet délétère du gouvernement, l’exigence de la reconnaissance de leur travail et leur aspiration à d’autres choix et au respect de la démocratie sociale.

La question fondamentale posée par cette lutte est bien celle de la reconnaissance du travail. La retraite par répartition via le salaire différé est au cœur de cet enjeu, cela explique sans nul doute la position en embuscade du patronat dont la responsabilité est fondamentale au sens premier du terme.

Après des semaines de manifestations monstres et de grèves dans un grand nombre de secteurs, reconductibles pour certaines, le découragement et le pourrissement recherché par le pouvoir ne se sont pas produits. Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu un tel front. Une nouvelle fois l’unité, construite sur des revendications clairement exprimées, montre son efficacité.
L’utilisation du 49.3 par le gouvernement d’Élisabeth Borne, sous la directive d’Emmanuel Macron, a provoqué une amplification de l’explosion sociale par une entrée plus massive de la jeunesse dans la lutte.

Le 14 avril la ratification par le Conseil constitutionnel des principaux articles de la loi, notamment celui sur le recul de l’âge de départ en retraite de 62 à 64 ans, n’a pas entamé la détermination des citoyen·es mobilisé·es depuis plusieurs semaines.

Son intervention télévisée du 17 avril n’a fait que le confirmer, il est persuadé que sa contre réforme est définitivement passée, que la situation va s’apaiser et que les salarié·es vont tourner la page. Il se trompe.

Ce mois de mars 2023 a été marqué également par un autre événement qui, même s’il n’est pas de même nature, est lui aussi est un évènement historique. Il s’agit de l’élection pour la première fois depuis sa création, il y a 128 ans, d’une femme au poste de secrétaire générale de la CGT. En effet le CCN (Comité Confédéral National) a élu le 31 mars une militante pour assurer la direction de la CGT en s’appuyant sur une Commission Exécutive Confédérale et un bureau paritaires. Le 53e congrès marque ainsi une nouvelle étape, il est (enfin !) possible à une militante d’accéder aux plus hautes responsabilités dans notre confédération, la CGT.

Il n’est pas du rôle d’un institut d’histoire sociale de commenter à chaud l’actualité d’un congrès.
Cependant nous pouvons relever que, comme pour Bernard Thibaud, la succession du secrétaire général sortant a été l’objet de beaucoup de débats, parfois accompagnés d’incompréhensions, de fausses informations surtout quand ils se mènent en dehors des instances statutaires et légitimes de l’organisation.

À Clermont-Ferrand certain·es ont dit que le climat a été « volcanique » tant les débats du congrès ont été houleux. La situation sociale et politique explosive et les appréciations différentes sur les responsabilités des un·es et des autres dans les difficultés à élargir les grèves ont contribué aux tensions.

Marie Buisson, secrétaire générale de notre fédération depuis 2016, était proposée au secrétariat général de la CGT par la CEC (Commission exécutive confédérale) sortante. La FERC a soutenu cette proposition.

Marie a, après plusieurs années passées à la direction de la CGT Educ’action (Versailles et CE nationale), montré sa capacité à construire et rassembler dans la fédération. Les résultats aux dernières élections de représentativité sont là pour le prouver.

Dans un climat très tendu dès le début du congrès, le rejet à 50,4 % du rapport d’activité de la direction sortante témoigne des difficultés du débat dans un contexte économique et social en plein bouleversement et une exaspération des rapports de classe. La séance du jeudi fin d’après-midi a été particulièrement difficile avec l’élection de la nouvelle CEC qui s’est finalement réalisée autour des seules 66 candidatures proposées par la commission. Dans la nuit de jeudi à vendredi la candidature de Marie Buisson, présentée par la direction confédérale sortante et la nouvelle CEC, n’a pas obtenu (à quelques voix près) la majorité du CCN requise.

Une proposition nouvelle, celle de Sophie Binet, CPE, militante CGT Educ’action en Seine Saint Denis, secrétaire générale de l’UGICT, a permis le rassemblement nécessaire à la CGT et au mouvement social. La volonté affichée, plusieurs mois avant, par Philippe Martinez d’un signe fort de la CGT par l’élection d’une femme à la direction de notre confédération a donc abouti et notre IHS ne peut que s’en réjouir.

L’IHS fédéral avait coorganisé en juin 2022 avec « La Collective » de la CGT Educ’action et le collectif « Femmes mixité » de la FERC, un colloque intitulé « Féminisme et syndicalisme CGT, pratiques militantes et revendications dans le champ de l’Éducation, la Formation, la Recherche et la Culture ». À ce colloque, qui a connu un grand succès, Marie Buisson et Sophie Binet étaient présentes. Sophie avait apporté sa contribution comme responsable du collectif « Femmes Mixité » confédéral et Marie, comme Secrétaire générale de la fédération, en avait fait les conclusions.
On le mesure une nouvelle fois, s’interroger sur l’Histoire pour en analyser les ressorts essentiels, aide à mieux construire l’avenir.

De la CGT à la FEN ... de la FEN à la FERC-CGT ...

Dans ce numéro du bulletin « Histoire des Luttes sociales » et dans le numéro suivant, l’IHS-FERC a décidé de publier une série d’articles et d’interviews consacré·es à l’histoire de la syndicalisation de tout·es les enseignant·es de l’Éducation nationale dans notre fédération.
Pour cela nous avons demandé à Joël HEDDE, secrétaire général de la FERC de 1985 à 1992 et ancien président de l’IHS national de la CGT de rappeler quelques étapes, parmi les plus importantes, de cette histoire depuis 1945.
En vis-à-vis de ces rappels historiques, nous avons interrogé deux anciens instituteurs, ceux qui sont devenus « les profs des écoles », deux militants de la CGT, qui ont vécu personnellement le parcours syndical menant de la Fédération de l’Éducation Nationale (FEN) à la FERC-CGT.
Il s’agit de Christian Dubot et d’Hervé Basire, qui comme Joël, ont été secrétaires généraux de la FERC-CGT.
Sur cette histoire complexe, plusieurs camarades ont écrit avec chacun·e une approche particulière liée à son vécu, aux conditions de son militantisme .
Nous recommandons aux militant·es la bibliographie indicative - non exhaustive - page 6.

La FEN-CGT et les enseignant·es 1948/1978

Dans un climat de guerre froide, fin 1947 « les ami·es de FO » financés par les États-Unis, provoquent une scission au sein de la CGT qui avait été réunifiée en 1943 par les accords du Perreux.

Chaque organisation est appelée à « choisir » son affiliation à l’une des deux confédérations : CGT ou FO.
Après de nombreux débats, la majorité des enseignant·es choisit la proposition d’autonomie dans la Fédération de l’éducation nationale (FEN) avec comme argument, la possible médiation pour une réunification.
Seuls quelques syndicats optent pour rester dans la CGT, notamment les enseignant·es des centres d’apprentissage (futur Syndicat national de l’enseignement technique et professionnel SNETP-CGT) et les agent·es de l’éducation nationale éclatés en plusieurs organisations et futur Syndicat général des personnels de l’Éducation Nationale SGPEN-CGT.
Il faut noter que la composition sociologique de ces syndicats pèse largement sur leur choix. Le recrutement dans les centres d’apprentissage (ancêtres des CET et LP) se réalise parmi les ouvrières et ouvriers professionnel·les, les technicien·nes de l’industrie, soucieuses et soucieux de transmettre leur savoir et ayant déjà rencontré ou ayant été adhérent·es de la CGT.
Globalement 39 % des enseignant·es ont voté pour la CGT au moment du choix, l’organisation en tendance de la FEN permet par ce biais une double affiliation. Elle conduira à la constitution d’un courant dit « CGT » au sein de la FEN.

En 1949, la FEN-CGT se définit comme une fédération « normale » pour ses syndicats nationaux qui comptent environ 14000 adhérent·es et une fédération « d’orientation », guide pour l’action des syndicats autonomes pour les doubles affilié·es, qui sont environ 20000 syndiqué·es (institutrices et instituteurs, profs de lycées, collèges et universités).
Elles, ils sont structuré·es dans 88 syndicats départementaux.
Entre syndicats nationaux et doubles affilié·es, la cohabitation n’est pas simple. Les premiers se plaignent qu’au sein de la FEN CGT les débats sont trop souvent centrés sur la stratégie de prise de pouvoir au sein de la FEN autonome et insuffisamment sur les revendications.
De 1948 à 1951, les doubles affilié·es sont passé·es de 20000 à 8000 adhérent·es. En 1953, un débat s’ouvre pour mettre fin à cette double affiliation.
La Confédération condamnant le système de tendances souhaiterait que la FEN-CGT prenne la décision de mettre fin à cette double affiliation, les militant·es communistes sont partagé·es.

Au congrès de la FEN- CGT qui se tient en décembre 1953, il est décidé, à une faible majorité, de garder le statu quo.
Le 5 janvier 1954, le Parti Communiste appelle les militant·es communistes institutrices et instituteurs à mettre fin à leur double affiliation.
De 1954 à 1958, il n’y a quasiment plus de direction fédérale à la FEN-CGT et le SNETP sert de boite à lettres.
Le 8 février 1958, au cours d’une conférence nationale, il est décidé en lien avec la confédération, de relancer l’activité fédérale avec les syndicats nationaux existants (11 représentés).
Le 14 juin 1959, se tient le congrès et la FEN-CGT se réinstalle progressivement dans le paysage syndical.
À partir de 1961, le mouvement syndical entre dans une phase ascendante. De 1963 à 1979, la fédération passe de 11000 adhérent·es à 60000. De nombreux syndicats se créent et la question de la syndicalisation des enseignant·es ne se pose quasiment plus jusqu’en 1969. Au sein de la FEN autonome, la tendance UA se structure au milieu des années 60 et va diriger plusieurs syndicats.
Après 1968, plusieurs évènements vont contribuer à faire monter dans la CGT l’idée que les enseignant·es ne peuvent être confiné·es dans l’autonomie et que la règle non écrite qui autocensure la syndicalisation des enseignant·es à la CGT ne correspond plus aux évolutions de la société et aux conceptions du syndicalisme.

Paradoxalement le premier événement déclencheur, c’est l’échec d’une proposition de fusion dans la FEN, à l’initiative du SNETP, entre le SNETAA tendance « Unité Indépendance et Démocratie » (UID) et lui-même.
Échec puisqu’un des objectifs non avoués était de renforcer la tendance « Unité Action » (UA) en plein développement au sein de la FEN.
Le deuxième, c’est l’évolution sociologique des enseignant·es de LEP. Elles et eux passent des concours, deviennent certifié·es ou agrégé·es et ne comprennent pas pourquoi, elles et eux ne peuvent renouveler leur adhésion à la CGT. De nombreuses institutrices et nombreux instituteurs se posent aussi la question. Un certain nombre d’entre elles et eux créeront un syndicat national : le SUPEN qui, en 1981 et 1982 postule à la FERC, (la FEN-CGT est devenue FERC-CGT en 1979).
En 1978, au congrès confédéral de Grenoble, la question de la syndicalisation est posée au congrès par un nombre non négligeable de délégué·es du SNETP.

La direction du SNETP est dans l’expectative prise entre la poussée de la base et sa fidélité à la ligne de la CGT. En effet, le syndicat a une position privilégiée sur les questions d’enseignement au sein de la CGT (depuis 1968, plus d’une vingtaine de permanent·es syndicaux·ales confédéraux·ales) et peut craindre la remise en cause de cette position. Ce débat se poursuit jusqu’au congrès de Châlons avec la venue de Georges Séguy et un vote pour le maintien du statu quo. Il restera latent dans le SNETP jusqu’en 1985 où est acté au congrès de La Rochelle la décision de transformation du SNETP en Union de syndicats* et l’ouverture du champ de syndicalisation à tou·tes les enseignant·es.
Quant à la direction de la CGT, elle propose d’ouvrir une discussion dans le « Peuple » sur huit numéros qui comprendront 41 contributions très majoritairement favorables à la syndicalisation.
La direction confédérale y oppose deux arguments : la démarche affaiblirait UA et l’école c’est l’affaire de tou·tes les salarié·es.
La suite des évènements montrera que l’analyse manquait de rigueur et pour le moins de perspectives.
* cela sera chose faire au congrès de Dieppe en 1988 où l’UNSEN est créée.

Interview de Christian Dubot

Quel est ton parcours professionnel et syndical ?

J’ai été reçu au concours d’entrée à l’école normale d’instituteurs en 1971. À l’époque, le concours était ouvert aux collégien·nes de troisième.
Je suis entré à l’École normale de Savenay en Loire-Atlantique en 1974 après une année de fac ratée à Angers, ratée pour cause d’implication totale dans l’élection présidentielle de 1974 qui opposait François Mitterrand à Valéry Giscard d’Estaing.
Pendant ces deux années de formation, je suis l’un des principaux responsables de la section syndicale du SNI-PEGC, une section syndicale très majoritairement U et A alors que la section départementale était UID.
À la sortie de l’École normale, je suis titulaire remplaçant pendant un an puis titulaire pendant douze ans en école primaire.
Non satisfait par un syndicalisme marqué par une guerre de courants permanente à majorité très réformiste et, pour moi, éloigné du monde du travail et de la classe ouvrière, je quitte le SNI-PEGC à la fin des années 70.
Je choisis de militer au sein de l’association de tourisme social « Tourisme et Travail » où je côtoie de nombreux·ses militant·es CGT des comités d’entreprise de Loire-Atlantique et des camarades du SNETP-CGT, animateur·trices sur un terrain de camping copropriété de comités d’entreprises.
Cela me conforte dans l’idée de tout faire pour adhérer à la CGT bien qu’une majorité de militant·es tentent de m’en dissuader, me disent que c’est impossible et que ma place est à la FEN.
En 1986, informé par mes camarades du SNETP, j’assiste, avec un camarade instituteur, à une réunion à la Bourse du Travail de Nantes à laquelle participe Joël Hedde(1) qui ouvre la porte à la syndicalisation de tou·tes les enseignant·es.
J’adhère enfin à la CGT même si c’est par le seul canal de la FERC-CGT et participe à l’activité du SDEN-CGT de Loire-Atlantique.
En 1987, je parviens à constituer une liste de 20 instituteurs et institutrices pour que la CGT soit présente aux élections paritaires. Finalement la liste ne sera pas présentée, ce que j’ai vivement regretté et, dépité, je prends mes distances avec la CGT.
Je reprends ma carte en 1989, milite au sein du SDEN qui proposera ma candidature pour la commission exécutive de l’Union départementale. Malgré le rejet de la commission des candidatures, malgré les pressions du secrétaire confédéral présent au congrès , le congrès m’élit à la commission exécutive de l’UD. C’est pour moi un succès : je suis enfin totalement à la CGT !
Dans la foulée, le SDEN sera en capacité de constituer une liste pour les élections paritaires de fin d’année. Un courrier signé de Louis Viannet, secrétaire confédéral, est adressé à tou·tes les secrétaires généraux·ales des UD indiquant que ces listes ne pouvaient être « estampillées » CGT.
La liste sera présentée malgré tout, comme dans deux autres départements en France.
En Loire-Atlantique, la liste recueillera 5,13 % ! Et ce, alors que le SNI , le SGEN-CFDT, FO et un puissant syndicat autonome local sont présents depuis longtemps.
L’année suivante, je suis élu - ainsi qu’un autre instituteur, Yvon Echinard, pionnier de la syndicalisation des enseignant·es du premier degré - membre du bureau de l’UNSEN par le Congrès d’Échirolles.
Je n’enseigne plus qu’à mi-temps et participe dans de nombreux départements à des réunions, avec des représentant·es d’instances interprofessionnelles, d’enseignant·es sur la question de l’ouverture du champ de syndicalisation. L’idée fait son chemin, non sans difficulté.
Deux ans après avoir été délégué au 44e congrès confédéral en 1992, sur proposition de Joël Hedde, je suis élu secrétaire général de la FERC-CGT.

Je n’étais que simple délégué, spectateur de débats qui, pour certains, pouvaient être éloignés de mes préoccupations. Une seule amertume, le document d’orientation n’ouvrait aucune perspective sur l’ouverture du champ de syndicalisation à l’ensemble des enseignant·es quand bien même la FERC avait déposé un amendement allant en ce sens. J’appris que ma présence comme délégué avait fait l’objet de débats au niveau confédéral.
Mais mon statut de spectateur intéressé changea quand Joël Hedde me dit : « Tu interviens demain ». Sans trop y croire, je préparai dans la nuit mon intervention avec la seule obsession, celle d’être à la hauteur de la confiance donnée et des enjeux portés.
Le lendemain, je suis intervenu devant plus de mille délégué·es plaçant mon intervention sous le signe de « Premier instituteur délégué à un congrès confédéral depuis 1954 » et « Un syndicalisme CGT de tous les salariés, pourquoi pas moi ? ».
Après des débats vifs, une intervention de Louis Viannet futur secrétaire général, des interrogations dans de nombreuses délégations et une « reprise en main » de certaines directions fédérales ou départementales, l’amendement ne fut pas adopté mais qu’importe. À titre individuel, je n’en revenais pas d’être là, au centre d’un enjeu qui, in fine, était au cœur de ma détermination depuis plus de dix ans !

Quel est ton opinion sur l’éclatement de la FEN et de la création de la FSU ?

Quelques mois après le 44e congrès confédéral, la FSU était créée avec notamment la création du SNUIPP. La CGT n’a pas seulement commis une erreur, c’est plus grave , elle a accepté que son orientation soit dictée par des considérations autres que syndicales.
La triangulation UA – PCF – CGT a accouché d’un échec historique conduisant la CGT à « ne plus s’interdire à ouvrir son champ de syndicalisation ». Trop tard ! Et la création de la FSU n’apporte aucune plus-value au mouvement syndical.
Elle prolonge, dans l’éducation nationale, le corporatisme avec un vernis de lutte doublé d’une volonté d’hégémonie dans ces secteurs. Oui, la CGT a commis une grave erreur qui a fait perdre un temps précieux à son implantation dans ce secteur.

Quels sont les enseignements tirés de ton mandat de secrétaire général de la FERC-CGT ?

À titre personnel, ce fut une expérience humaine extraordinaire qu’il est impossible de développer en quelques mots.
À l’interne, le fédéralisme est loin d’être un long fleuve tranquille : volonté de désaffiliation du SGPEN , co-existence de deux syndicats dans la recherche scientifique, ingérence politique prégnante via des militant·es issu·es du Parti des travailleurs ou de Lutte ouvrière, repli de certains syndicats sur l’activité catégorielle, difficulté à développer des collectifs fédéraux locaux… mais toujours un ciment fondamental, la CGT !
La volonté de développer une activité fédérale locale est restée au stade embryonnaire parce que non portée par les directions des syndicats, composantes de la Fédération.
Au niveau confédéral, la FERC a pris une place reconnue dans l’activité de la CGT.
Au niveau externe, malgré des réticences initiales – notamment de la FSU – la FERC a fait partie de toutes les intersyndicales fédérales avec un point d’orgue en 2003(2).

(1) Joël Hedde, secrétaire général de la FERC
(2) Sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, des semaines de manifestations eurent lieu contre la politique éducative que voulait imposer Luc Ferry – la FERC-CGT participait activement à l’intersyndicale - puis s’enchaîna une vaste mobilisation contre un projet de réforme des retraites – déjà ! - qui s’achèvera en juin avec la signature, par la CFDT, d’un accord avec le gouvernement.