Société Dossiers

 Dossier Lien n°208 - Plan d’urgence pour la rentrée

 

Nous avons toutes et tous, dans nos organisations, sur nos lieux de travail, constaté les manques de moyens pour faire face à la situation sanitaire, sociale et économique de ces derniers mois. Le gouvernement a soutenu l’activité par les mesures de chômage partiel, puis a lancé l’été dernier, à grand coup de communication, un plan de relance de plusieurs milliards d’euros… Ces milliards ont été principalement dirigés vers l’aide aux entreprises et versés sans contrepartie. Cet argent public ne doit pas aller à des entreprises qui licencient ou suppriment des postes, il ne doit pas revenir aux actionnaires sous forme de dividendes ! Nous revendiquons un plan d’urgence pour l’éducation, l’enseignement supérieur, la recherche, les associations d’éducation populaire, le sport pour toutes et tous, la formation. C’est nécessaire pour rattraper des années de gel et ou de baisse des budgets et de sous-investissement, c’est indispensable pour la population, les travailleur·ses et les jeunes. L’enjeu du moment n’est pas de relancer les profits et la machine à enrichir quelques un·es sur le travail de tou·tes les autres…mais bien d’augmenter les salaires, les budgets, de planifier la transition écologique et d’offrir des formations qualifiantes, de sécuriser les parcours professionnels, de créer des emplois, d’assurer l’égal accès sur tout le territoire à l’éducation, à la culture, au sport, de redonner des moyens pérennes à la recherche publique. Nous avons donc réuni dans ce dossier les mesures d’urgence que nous revendiquons et que nous porterons dans les luttes à venir.

Rentrée pour les enseignant·es et les formateur·trices de la formation professionnelle dans le privé

Déjà quelques bilans après la mise en œuvre de la réforme de la formation professionnelle et une rentrée qui s’annonce particulièrement difficile pour tou·tes les salarié·es de ce secteur.

Cette réforme a bouleversé complètement ce secteur et la crise sanitaire qui sévit depuis mars 2020 ne fait qu’exacerber les difficultés que peuvent rencontrer les Organismes de formation (OF) et les CFA, et plus particulièrement tout le personnel qui y travaille.

Une grande partie des régions ont ou vont faire connaître leurs choix pour les 3 ou 4 prochaines années, suite aux appels d’offre qu’elles sont dans l’obligation de réaliser puisque la formation pro est devenue une marchandise
depuis 2004.

A cause ou grâce à la crise sanitaire et aux différents confinements, les OF se sont rapidement adaptés, en adoptant notamment la formation à distance, avec la mise en place, d’une façon plus ou moins anarchique, de certains outils, maîtrisés ou pas par le personnel administratif et pédagogique. De cette façon, les régions qui n’ont de cesse de faire baisser les coûts de formation ont toutes intégré la réduction des parcours de formation, le distantiel, la modularisation, les blocs de compétences dans leur appel d’offre et le télétravail.

De plus certaines font le choix dans leurs appels d’offre de privilégier les territoires, soi-disant pour être plus près des entreprises, au détriment de l’implantation géographique déjà existante des centres de formation. Ce qui a pour conséquence que certains ne peuvent pas répondre à ces appels d’offre, alors qu’ils ont des plateaux techniques adaptés dans leurs locaux.

Que représente le personnel de ces centres pour la région ? Rien, puisqu’on voit s’accentuer d’année en année la précarisation des enseignant·es et formateur·trices. Pour ces personnels continuellement en CDD, quel avenir professionnel ? Quelle évolution de carrière ?

De plus certaines formations se feront désormais entièrement à distance et de façon dématérialisée. Est-ce bien de cela qu’ont besoin pour leur apprentissage les adultes en formation ? Est-ce bien cela le métier d’enseignant·e et de formateur·trice ?
Oui la rentrée va être difficile, car en plus il faudra, s’il y a des stagiaires, continuer à gérer les gestes barrières, le port du masque. Et veiller à ne pas accentuer des clivages qui peuvent apparaître entre personnes vaccinées ou non.

Affichons donc encore et encore notre revendication d’avoir un service public de la formation professionnelle digne de ce nom, en s’appuyant sur les organismes existants (AFPA, CNAM, GRETA) plutôt que de la brader aux entreprises !

Pour un plan d’urgence dans l’éducation, pour les postes, les salaires, l’amélioration des conditions de travail

Après deux années scolaires difficiles, tant pour les personnels que pour les élèves et leurs familles, la rentrée 2021 est à nouveau marquée par un manque d’anticipation et par un manque de moyens criant pour tous acteur·trices de l’Éducation.

Cette rentrée aurait nécessité la mise en place d’un plan d’urgence et la création massive de postes pour l’éducation dans un contexte qui a rendu plus compliquée la progression des apprentissages mais le ministère poursuit une politique qui va à rebours des besoins du service public :

  • refus de créer un collectif budgétaire pour la création de postes d’enseignant·es, de CPE, AED, AESH, de PsyEN, de RASED, de personnels administratifs, techniques, de santé et sociaux dans les écoles, les établissements et les services pour répondre aux besoins et annuler les suppressions de postes notamment dans le 2nd degré où le déploiement d’heures supplémentaires est une réponse inadaptée
  • publication de la circulaire de rentrée sans qu’aucune concertation préalable n’ait été organisée. De plus, son contenu relève davantage de la promotion de la politique ministérielle.

Encore une fois, le ministre est dans le déni de réalité en refusant de prendre les mesures nécessaires. Après un Grenelle sans avancée pour les personnels, après plusieurs rencontres via l’agenda social, le ministère et donc le gouvernement n’a pas su prendre en compte les différentes demandes des organisations syndicales et exclut près de 70 % des personnels en termes de reconnaissance et de revalorisation salariale.

Pourtant depuis le début de la crise, des personnels, des établissements se sont mobilisés pour obtenir de meilleures conditions de travail et une meilleure reconnaissance les AED et les AESH par exemple.

Les annonces du Grenelle ont également confirmé qu’il n’y aurait pas de loi de programmation pluriannuelle. Au-delà de la deuxième tranche de la prime d’attractivité, très insuffisante pour rattraper les retards, il est bien difficile de voir de quelconques perspectives de revalorisation pour les années à venir. Il est urgent d’augmenter les salaires de tous les personnels.

Cette absence d’anticipation et de prise de décisions est irresponsable au regard des enjeux de gestion et de sortie de crise. Le mépris ministériel laisse un goût amer aux personnels alors que leurs attentes étaient fortes. Reprenons la main et portons nos justes revendications pour obtenir un plan d’urgence !

Les organisations de la FERC CGT (CGT Educ’Action, CGT Enseignement Privé, etc.) dénoncent l’ensemble de ces mesures qui tournent le dos à la priorité à l’Éducation et cherchent à transformer en profondeur les métiers dans le sens de contraintes supplémentaires sur les personnels : projet de création d’un emploi fonctionnel de directeur·trices d’école et de hiérarchies intermédiaires, pilotage par l’évaluation. Elles ne peuvent accepter de tels reculs. Elles refusent la généralisation du contrôle continu et demandent le rétablissement du baccalauréat national pour la session 2022, avec des épreuves nationales, terminales. Notre École ne peut fonctionner sans moyens supplémentaires et sans personnels revalorisé·es et reconnu·es dans leurs expertises professionnelles.

Les personnels seront mobilisé·es dès la rentrée en intersyndicale et participeront à la prochaine journée interprofessionnelle du 5 octobre 2021

Plan d’urgence de rentrée – Enseignement Supérieur et Recherche (ESR)

Avec des effectifs qui ne cessent d’augmenter depuis des années (500 000 étudiant·es dans l’ESR en plus en 10 ans) et une politique de désintégration menée tambour battant par les différents gouvernements, nos établissements arrivent pour la rentrée une fois de plus totalement exsangues, les personnels épuisés, les étudiant·es déboussolés.

Pour la seconde fois, la rentrée universitaire a lieu sous les auspices de la pandémie mondiale, pour la seconde fois, gouvernement et ministère pataugent dans une complète impréparation et refusent obstinément d’accorder les moyens indispensables pour cette rentrée.

Des annonces fantoches sont faites par la ministre : « 34 000 places ouvertes dans les universités » mais sans création de postes par le MESRI, sans dégel de ceux bloqués par les établissements pour satisfaire à l’austérité imposée : le sous-investissement chronique dont souffre notre secteur aggrave encore une situation sanitaire étouffante.

La communication gouvernementale auto-satisfaite autour d’une rentrée à 100 % de la jauge cache des défaillances délétères dans l’obligation faite à l’employeur public de protéger la santé et la sécurité de ses agent·es : aucune création ni rénovation de locaux, nettoyage des salles a minima, pas d’obligation dans la circulaire de rentrée, publiée au cœur de l’été, quant aux systèmes d’aération et aux purificateurs d’air, plus de campagne de tests, aucune préparation pour sécuriser les espaces de restauration… Les CROUS, dont l’absolue nécessité pour soutenir les étudiant·es a été démontrée depuis le début de cette crise, ne tiendront pas le choc de la rentrée avec les moyens humains et financiers actuels.

Nous allons retrouver les amphis et les cafétérias surpeuplés, croisant les doigts pour que la prochaine vague Covid s’arrête aux portes des établissements.

S’y ajoutent incertitudes et stress liés au passe sanitaire et à l’obligation vaccinale pour certain·es collègues (services de médecine, établissements accueillant du public, colloques...), annoncés subitement au cœur de l’été. Nos services de médecine de santé au travail sont pourtant déjà débordés, au détriment du travail de terrain.

L’incertitude et le stress constatés à l’Université se retrouvent dans l’enseignement supérieur privé, où la diversité des employeur·ses accroit les préconisations les plus fantaisistes. Certain·es chef·fes d’établissement exigent le passe sanitaire des enseignant·es (mais bien sûr pas aux client·es euh pardon aux étudiant·es), d’autres exigent un questionnaire de santé. Tout ceci dans le silence le plus complet de la Fédération Nationale de l’Enseignement Privé (FNEP) dont le dernier communiqué sur la pandémie date de mai 2021.

S’y ajoute la poursuite du programme de destruction des statuts et du service public d’ESR : la LPR dont les décrets passent aux forceps dans les instances cet automne va continuer à augmenter la précarité, individualiser encore plus les rémunérations et dynamiter les collectifs de travail. Les financements par appels à projets détruisent à petit feu la recherche.

Nos organisations doivent porter une mobilisation forte, adossée à des revendications concrètes, liées à la situation pandémique (tests et vaccination sur les campus, ASA pour parents d’enfants cas contact et pour personnels vulnérables, capteurs de CO2, purificateurs d’air, respect de la jauge à 100 % et pas plus, restauration collective pour toutes et tous dans le respect des consignes sanitaires) mais doivent aussi faire converger la mobilisation : la crise sanitaire n’est pas seulement liée au virus, mais à l’état catastrophique des services publics.

L’éducation populaire et le sport : du collectif pour l’émancipation

Le monde de l’éducation populaire et du sport a été particulièrement touché par ces presque deux ans de pandémie. La crise que nous traversons démontre pourtant l’importance de ces secteurs aussi bien pour nos bien-être et épanouissement personnel que ceux de la société en faisant vivre les valeurs de coopération, de solidarité et d’émancipation. Ils sont des appuis indispensables pour lutter contre le repli sur l’individualité et les idées réactionnaires et le confusionnisme.

Pourtant si nécessaires les salarié·es de l’animation et du sport ont vu leur situation se dégrader. Leur situation est déjà caractérisée par l’importance des temps partiels, la précarité, de grandes amplitudes horaires, d’être en multi employeur·ses et d’avoir peu d’évolution professionnelle. Que ce soit dans l’animation avec l’utilisation du contrat d’engagement éducatif ou dans le sport avec les CDI intermittents se développent de manière abusive des contrats dérogeant au droit du travail. Dans la branche du sport ces deux dernières années aucune augmentation salariale conventionnelle n’a été négociée, dans celle de l’animation l’avenant 182 abaisse les possibilités de déroulé de carrière des salarié·es. Pas étonnant que les employeur·ses se plaignent de ne pas arriver à recruter. Dans le sport la fourchette de 10 à 25 % de perte de salarié·es est avancée. Pour y remédier nous avons la solution : il est urgent de proposer des déroulés de carrières décents et pérennes, s’appuyant sur la formation, des diplômes réglementés et des qualifications.

En cette rentrée, les incertitudes dans la gestion sanitaire et les incohérences de la mise en application du passe sanitaire pèsent sur la réinscription dans les activités. Comment comprendre qu’un·e adolescent·e doive produire un passe sanitaire pour aller dans son club de sport alors que rien n’est exigé dans le cadre de l’Éducation nationale ? Les structures de l’éducation populaire et du sport n’ont pas vocation à être des lieux de contrôle, c’est à l’État d’organiser l’accès de toutes et tous à la vaccination.

Le développement des structures de l’éducation populaire et du sport doit s’appuyer sur le droit garanti par l’État de l’accès à toutes et tous à ces pratiques. Le gouvernement a mis en place le « Pass’Sport », une aide de 50 euros à l’inscription dans un club ou à la prise de licence pour les jeunes des 3 millions de familles percevant l’allocation de rentrée. Outre que cette aide est insuffisante ramenée au coût de la pratique sportive, elle est d’inspiration libérale car ramenée à l’individu sans prise en charge collective. Un vrai plan d’urgence doit s’appuyer sur les services jeunesse et sport en renforçant les conseiller·es techniques. Il s’agit à la fois de soutenir les structures et de mettre en place un accompagnement et des aides individualisés pour un droit effectif à la pratique sportive et culturelle.

L’État doit s’engager pour les associations et non mettre en place un climat de suspicion à leur égard en les soumettant, depuis la promulgation de la loi sécurité globale, à la signature « d’un contrat d’engagement citoyen ». Ainsi les associations se voient interdites le « prosélytisme abusif » et de ne « pas causer de trouble à l’ordre public » : c’est omettre que c’est justement le caractère militant des associations qui est garant de la démocratie.
Il faut garantir l’indépendance de l’éducation populaire pour lui permette de renouer avec une tradition d’innovation au service de ses aspirations d’émancipation et de transformation sociale.