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 Dossier - Territorialisation

 

Régionalisation : non à la fusion des académies !

Une succession de réformes a modifié en profondeur l’organisation de la République ces 20 dernières années et fortement mis à mal les Services publics et ses personnels. Dans ce cadre, l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR) ont subi une restructuration régionale d’ampleur (autonomie, PIA, ComUE et fusions). Ciblant à présent l’architecture de l’Éducation nationale et de l’ESR, une restructuration des académies est-elle à venir ? Un rapport de l’IGAENR préconise de fusionner les académies d’ici 2021 pour les calquer sur les 13 nouvelles régions. La FERC CGT s’opposera à une telle régression pour les personnels et pour le service public.

2015, début de la régionalisation

Faisant suite à une longue série de lois dites de « décentralisation », en 2014-2015, les lois MAPTAM, NOTRe et la création des 13 nouvelles régions métropolitaines ont profondément restructuré les Services publics et l’organisation de la République.

Au-delà d’un simple redécoupage territorial et d’une redéfinition des missions publiques, si l’on passe outre l’habillage habituel donné à ces réformes (« décentralisation », « déconcentration », « efficience », « proximité »…), c’est en réalité une refonte complète de l’architecture territoriale de la République, dans le but de mettre en place « l’Europe des régions » imposée par l’Union européenne. L’objectif principal reste de déréglementer les Services publics, de réduire les coûts, de diminuer le nombre de fonctionnaires, d’accentuer la mise en concurrence des territoires et des salarié·es, d’externaliser certaines missions (marchandisation, privatisations) ou d’en abandonner d’autres. L’égalité de traitement des citoyen·nes devient de plus en plus problématique.

Cette modification de l’organisation administrative de la France est en droite ligne des modifications apportées par le Traité de Lisbonne de 2009, alors même que le peuple français avait en 2005 rejeté le traité constitutionnel.
La FERC CGT s’est opposée à ces réformes qui mettent à mal les personnels, tournent le dos aux besoins de la population, étranglent financièrement les services publics, préparent une réorganisation ultérieure des services de l’État pour une régionalisation plus complète et une atomisation des statuts.

Et dans l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur ?

À première vue, cette phase de régionalisation n’a pas impacté l’Éducation nationale (EN) et l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR), puisque le gouvernement de l’époque n’a pas fusionné les académies, reculant sans doute devant l’ampleur du chantier et les probables résistances.

Cependant, cette politique était dans les faits déjà en partie mise en place : l’ESR a subi depuis 2007 une restructuration d’ampleur qui a introduit à la fois des éléments d’éclatement (autonomie avec la LRU, « Plans d’investissement d’avenir » PIA) et de régionalisation (ComUE et fusions). L’EN, quant à elle, endurait une territorialisation de l’école avec la réforme des rythmes scolaires et subissait une volonté de régionalisation de l’ensemble de l’orientation scolaire et des personnels concernés.
En 2015, une première étape de régionalisation des académies a eu lieu : le décret 2015-1616 a créé des « régions académiques » avec des recteur·es de région dont les missions premières sont d’être l’interlocuteur auprès de la région, en particulier sur les questions de formation professionnelle initiale et continue, d’orientation, des fonds européens et d’Enseignement supérieur.

Depuis 2017 (cf. décret 2017-1543), dans une seconde étape, le recteur de région peut devenir le recteur de toutes les académies (cf. Normandie : le recteur de Normandie est recteur de Caen et de Rouen), sans que les rectorats disparaissent encore.

Nous le verrons dans le dossier, ce sont les prémices de futures fusions d’académies (services académiques, CROUS et demain les ÉSPÉ ?). Alors que CAP2022 (dont le rapport a enfin été rendu public cet été) cible directement le statut de fonctionnaire (CAP et règles de gestions, grilles et primes, recrutement de contractuel.les…) et cherche à tailler dans l’emploi public (120 000 suppressions de postes annoncées), un rapport de l’IGAENR de mars 2018 sur la « réorganisation territoriale » de l’EN et l’ESR préconise opportunément la fusion des académies pour les calquer sur les 13 régions métropolitaines créées par la loi NOTRe…

On l’a vu dans bien des domaines (hôpital, université, directions de l’équipement…), ces restructurations administratives se traduisent immanquablement par des suppressions et des redéfinitions de postes, des mobilités forcées, la dégradation des conditions de travail et en bout de course, la dégradation du Service public, pour toutes et tous sur tout le territoire. En effet, la refonte de l’organisation territoriale conjuguée à la réduction de l’emploi public impliquent systématiquement une
« rationalisation » de la carte des services et leur « mutualisation ». La FERC s’y opposera.

IGAENR

Un rapport qui préconise la fusion des académies

Dès son arrivée au ministère, Blanquer avait décidé d’appliquer ses idées sur la gouvernance de l’Éducation nationale (EN) et son envie de réduire significativement le nombre d’académies… Bénéficiant d’une vacance de poste de recteur de l’académie de Rouen, une première expérimentation a donc été lancée dès la rentrée 2017 sur la région Normandie entrant dans un processus de fusion des académies de Caen et de Rouen. Les ministres de l’EN et de l’ESR ont publié en décembre 2017 un arrêté permettant à un recteur de région d’administrer plusieurs académies.

Le rapport de l’IGAENR de mars 2018 préconise ainsi la fusion des académies actuelles pour les aligner sur les périmètres des 13 régions métropolitaines issues de la loi NOTRe.

Il fait le constat du non fonctionnement des régions académiques. Les auteurs soulignent « le caractère chronophage du fonctionnement des régions académiques actuelles, notamment avec la multiplication des comités et groupes de travail nécessaires à leur cohésion » et considèrent que la catégorie « région académique » n’a « pas su trouver sa place ».

Il pointe les tensions et les pertes de temps causées par les 2 échelons (nouvelle région et académie), car les prises de décisions et négociations doivent s’articuler entre les 2 niveaux.

Il recommande de « passer à une nouvelle étape qui devra permettre un fonctionnement plus lisible, plus opérationnel, et plus rationnel ».

Au lieu de remettre en cause les nouvelles régions, il faut, selon eux, « aligner l’organisation territoriale des services déconcentrés des deux ministères sur les nouvelles régions créées en 2015, en particulier afin de rétablir une fluidité de relations avec les collectivités régionales et les autres services déconcentrés de l’État ».

Pour supprimer la catégorie de région académique et revenir à la seule catégorie d’académie, la mission propose plusieurs scénarii d’évolution liés aux caractéristiques des académies (superficie, nombre d’élèves, d’étudiant·es et de personnels à gérer). Elle suggère que la nouvelle organisation soit mise en place « en 2021 au plus tard, pour les cas les plus complexes ».

Pour quatre régions (Bourgogne Franche-Comté, Hauts-de-France, Normandie et Paca), le rapport recommande que les recteur·es concernés élaborent un projet de fusion pour la fin de l’année 2018, pour une mise en œuvre progressive en 2019 et 2020.

Il s’agirait de « reproduire à l’échelon régional l’organisation académique actuelle sur la base d’un réaménagement des services académiques dans leurs sites respectifs confirmés ».

Pour les régions Auvergne Rhône-Alpes, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, le rapport propose comme objectif l’élaboration d’un projet de fusion par les recteur·es pour fin 2018, pour une mise en œuvre progressive à la rentrée 2020.

Dans ces grandes régions, la fusion va demander « la conception de nouveaux modes de gouvernance » : chaque recteur·e pourrait par exemple désigner un·e vice-chancelier·e des universités, qui pourrait avoir un rang de « recteur adjoint au recteur de l’académie », pour les sujets liés à l’enseignement supérieur.
Le·la recteur·e pourrait aussi désigner un·e adjoint·e chargé de l’enseignement scolaire.

« Mutualisations » en Occitanie

En Occitanie, si les académies de Montpellier et de Toulouse n’ont pas encore fusionné, les « mutualisations » font déjà des ravages :

  • mutualisation des services informatiques et des examens et donc suppressions d’emplois, en conséquences…
  • mise au pas des DASEN et donc éloignement des centres de décision du terrain
  • recrutement des personnels de catégorie C sur l’échelon régional avec déplacements sur toute la région (13 départements !).

Pour ce qui concerne les académies d’Île-de-France, en attendant des précisions sur l’aménagement du Grand Paris, qui aura un impact sur les trois académies franciliennes, la mission propose des ajustements qui pourront être adaptés à la future organisation du territoire.

Concernant l’enseignement supérieur, elle propose de regrouper, sous l’autorité du·de la recteur·e de l’académie de Paris, l’ensemble des compétences actuellement exercées par les trois recteur·es. Il·elle deviendrait ainsi le·la chancelier·e des universités de Paris et d’Île-de-France et s’appuierait sur son adjoint actuel, le vice-chancelier des universités de Paris. Ce dernier deviendrait vice-chancelier des universités de Paris et d’Île-de-France et pourrait avoir un rang de recteur, adjoint au recteur d’académie.

Concernant l’enseignement scolaire, selon l’organisation choisie pour le Grand Paris, le·la recteur·e de la future académie de Paris-Île-de-France pourrait s’appuyer sur deux ou trois adjoints, territorialisés ou non, qui pourraient être DASEN ou recteur·es adjoints.

Quel que soit le scénario retenu, la mission recommande que les 2 ou 3 adjoint·es du·de la recteur·e aient le même statut, qu’il s’agisse de celui de recteur, adjoint au recteur d’académie, ou de directeur d’académie.
Par ailleurs, les auteurs suggèrent, pour l’enseignement scolaire, de faire évoluer le principe de « un département-un Dasen », de revoir la carte des circonscriptions du 1er degré et de déléguer les budgets aux académies.

Pour l’enseignement supérieur, il est proposé de placer le DRRT sous l’autorité du·de la recteur·e et de déléguer à ce dernier l’affectation des moyens des universités.
Ainsi, dans le rapport on peut lire pour ce qui concerne le programme 150 (enseignement supérieur) : « Aussi longtemps que le recteur de région académique ne disposera pas de la possibilité de répartir les délégations de crédits et d’affecter les moyens en fonction des décisions prises en comité régional académique, il ne pourra ni construire ni mettre en œuvre une véritable politique régionale académique ».
L’enjeu est donc bien l’accentuation de l’emprise des régions sur la politique des établissements de l’ESR.

En décembre 2017, la Cour des comptes avait, elle aussi, souligné la fragilité des régions académiques au motif qu’elles ne disposent pas d’une autorité hiérarchique, ni de missions d’allocation des moyens et en profitait pour demander la suppression de plusieurs académies.

Depuis, le Ministre est intervenu plusieurs fois pour parler de la fusion des académies, puis en visite dans la Creuse, pour annoncer la fusion des académies de Poitiers et Limoges.
Le rapport argumente en insistant sur un alourdissement des missions qui ne produirait pas les effets attendus.

Ses conclusions vont bien dans le sens d’une « harmonisation » de l’organisation des services académiques avec l’organisation des services des autres administrations telle qu’elle résulte de la loi de 2015.

Le calendrier proposé par l’IGAENR commencerait les fusions dès 2018 pour un achèvement en 2021. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres…

Et les personnels dans tout ça ?

Sous couvert d’efficacité, le rapport IGAENR cherche à « rationaliser » dans le cadre d’une austérité toujours plus contraignante et d’une attaque sans précédent du statut de la Fonction publique. Il parle très peu des conséquences des fusions d’académies pour les personnels et les usager·es. Il a beau rappeler qu’il faut maintenir la « proximité des missions », il ne dit pas comment. Tout ce qu’il suggère, c’est de réfléchir ou d’être innovant ! Concernant le mouvement national, il écrit tout de même qu’il faut « dans un premier temps, ne pas remettre en question les circonscriptions académiques actuelles pour l’affectation des personnels », mais que ce sera le cas pour 9 des académies fusionnées.

Ces annonces suscitent donc de nombreuses questions et de nombreuses inquiétudes parmi les personnels concernés. Les conséquences de ce genre de projet sont connues :

  • éloignement des lieux de décision (il serait plus difficile de contester les fermetures de classes par exemple),
  • éloignement des lieux de gestion pour les personnels, en lien avec la remise en cause des prérogatives des CAP (mobilité, promotion, avancement, refus de titularisation...),
  • mobilités forcées (géographique ou fonctionnelle) pour les personnels des administrations et rectorats,
  • dégradation des conditions de travail : l’« harmonisation » en cas de fusion génère du stress, du sur-travail avec moins de personnel pour une charge de travail identique, la mise en concurrence des personnels (il faut parfois recandidater sur son propre poste !)…
  • hausse de la précarité avec le recrutement croissant de contractuel·les en lieu et place de fonctionnaires.

La gouvernance selon Blanquer

La réforme territoriale du système éducatif fait l’objet d’un chapitre dans le livre « L’école de demain » du ministre de l’Éducation nationale. Il décrit une organisation « illisible » à la fois parce que les 13 nouvelles régions académiques n’ont pas gommé le découpage académique plus ancien et parce que « les fonctions d’inspection sont ambiguës ». Selon lui, il faut « réconcilier les fonctions de direction et d’inspection ».

Il se montre favorable à une large autonomie des établissements : la mission d’évaluation et d’embauche des enseignant·es serait confiée aux chef·fes d’établissement, les inspecteur·trices et les chef·fes d’établissement se rapprocheraient dans un corps nouveau (un projet qui fait débat depuis plusieurs années chez les intéressé·es). Blanquer se montre favorable à une décentralisation accordant plus d’autonomie au niveau des circonscriptions. Quand on voit les dégâts causés par 10 ans « d’autonomie » dans le Supérieur, ces orientations ne peuvent qu’inquiéter…

L’organisation du système éducatif de Blanquer repose sur deux principes fondamentaux : la « responsabilité des acteurs » et la « contractualisation » avec une évaluation sur les « performances », entendez par là les résultats des élèves pour le système scolaire.

Ces positions doivent se rapprocher de l’annonce de la réforme du recrutement des enseignant·es : le ministre se dit favorable à l’attribution d’une « habilitation à enseigner » validée par le Master… charge ensuite aux enseignant·es de « se vendre » auprès des chef·fes d’établissement...

Dans les DDI…

Dans les autres ministères, les réformes en place ont déjà porté leurs fruits nocifs (cf. par exemple le supplément au n° 246 de Fonction publique (UFSE) 2016).

La Réate consacre la mise en place des Directions départementales interministérielles (DDI), issues d’une précédente fusion d’anciennes directions départementales, et placées sous l’autorité des préfets. Les spécificités des missions des personnels, différentes selon chaque ministère, ont été considérablement gommées et leur gestion caporalisée sous l’autorité du préfet. Logique comptable dominante, vastes champs de compétences transférés aux collectivités territoriales sans moyens financiers correspondants : l’adaptation des missions aux moyens est le credo de l’interministérialité.

La CGT a dénoncé ces fusions et leurs effets :

  • suppressions d’emploi sous couvert de « rationalisation »,
  • transferts d’emplois vers les départements ou missions de portée départementale obérés par les suppressions de poste,
  • dégradation du service public de plein exercice et de proximité qui faute de moyens est démantelé,
  • dégradation des conditions de vie des personnels au et hors travail du fait des mutualisations interdépartementales avec des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles ainsi que de nouvelles formes de travail qui coupent l’agent·e du collectif de travail.
DERNIÈRE MINUTE :

FUSION DES ACADÉMIES POUR 2020 ! En plein milieu de l’été, alors que nous bouclons ce dossier, les ministres Blanquer et Vidal ont décidé de mettre en œuvre les propositions du rapport IGAENR et de fusionner les académies d’ici 2020. À suivre !

Pour la FERC-CGT ces annonces ne sont pas acceptables.

Elle se bat pour :

  • le maintien de la formation initiale professionnelle sous statut scolaire au sein de l’Éducation nationale. La FERC combat l’attribution aux régions de l’élaboration de la carte de formation et de l’ensemble des moyens.
  • L’arrêt de la mise en place des ComUE (Communautés d’Universités et d’Établissements) et des fusions d’établissements. Le maintien de toutes les formations sur tout le territoire.
  • Le respect des droits du personnel et de leurs instances représentatives. Exemple : la fusion actuelle des CHSCT des services académiques éloigne cette instance des collègues, situation qui empirerait avec la fusion des académies.
  • Le refus de toute mobilité forcée ou « suggérée » pour les personnels.
  • Le maintien des structures académiques et des DSDEN dans leur état actuel.
  • Le développement du service public avec les postes statutaires nécessaires en particulier dans les territoires ruraux et les quartiers populaires qui risquent d’être les grands sacrifiés de cette réforme.