Loi formation professionnelle : poudre aux yeux et dégradations annoncées
La loi du 5 septembre 2018 dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » n’a fait que démontrer en trois ans qu’elle n’avait pas pour objectif réel d’améliorer la formation professionnelle.
Le premier ministre et la ministre du travail ont annoncé un financement de 1,4 milliards d’euros en 2021 et 2022 pour « investir massivement dans la formation des salariés et des chômeurs ». En réalité, il s’agit, pour la plupart, de crédits déjà ouverts du Fond National de l’Emploi-Formation. Et surtout il s’agit de façon beaucoup plus généralisée, de formations très courtes, en moyenne 40h, voire plus courtes, comme les capsules, soi-disant facilement utilisables grâce au CPF mais ne permettant pas d’accéder à des formations plus longues et qualifiantes. Car c’est bien là l’objectif in fine : ne pas qualifier mais « former » selon les besoins à courts termes du patronat.
C’est d’ailleurs le MEDEF qui a proposé la discussion d’un nouvel Accord National Interprofessionnel (ANI) non pour engager des négociations mais pour « engager une analyse de l’impact de cette réforme afin d’être en mesure de faire des propositions d’ajustements au Gouvernement (stratégie de maintien et de développement des compétences pour répondre aux besoins territoriaux et sectoriels, revue des outils existants tels que le CPF…) ». Bref aggraver encore plus une réforme qui ne bénéficie pas aux salarié·es. Pire, le patronat a commencé à travailler avec d’autres organisations syndicales et patronales pour présenter à la CGT une série de « 49 propositions » au nom du MEDEF, de la CPME, de l’U2P, de la CFDT, de FO, de la CGC et de la CFTC. Oui, vous avez bien lu : la CGT s’est retrouvée dans le cadre totalement inédit de discuter sur un texte défini par 7 organisations syndicales et patronales, hors de tout cadre légal de négociation. L’invitation de la CGT n’était que pour la forme, mais sans volonté de discuter ni de tenir compte de ses propositions.
Ce texte, dans l’esprit des ANI de 2014 et de 2018 non signés par la CGT, propose par exemple, que le CPF soit à la main du patronat. Par ailleurs, le texte ne prévoit aucun soutien financier de la part des entreprises, alors que la réforme de 2018 n’est pas soutenable financièrement (il manque 4 milliards d’euros dans les caisses de France Compétences qui est l’organisme centralisateur des fonds de la formation professionnelle). Pour rappel, le passage de 1,6 % à 1 % de contribution a généré 2,4 milliards d’euros de pertes pour former les salarié·es. Si le terme « qualification » est ajouté dans le texte à la demande de la CGT, les autres organisations syndicales valident une « société des compétences ». L’ANI, qui s’est transformé en accord cadre, prévoit par ailleurs « d’encourager durablement le recours à l’alternance ». Cerise sur le gâteau : retirer une partie des fonds dédiés aux lycées professionnels, si des lycéen·nes cessaient leurs scolarités pour signer un contrat d’apprentissage. La CGT a été la seule à dénoncer la mise en concurrence structurelle des filières d’apprentissage et de l’Éducation nationale.
Cet accord cadre est essentiellement un lot de préconisations et de recommandations que devraient exécuter l’État, les collectivités locales et les branches. Il n’a pas a priori de caractère normatif (au sens où il n’est pas censé aboutir à une loi), mais le patronat a exigé qu’il s’impose à toutes les entreprises, qu’elles soient ou non adhérentes aux syndicats patronaux.
La CGT n’a donc pas signé cet accord. Notons que, contrairement à 2018, FO ne le signera pas.