Rapport d’ouverture au 12e congrès fédéral

 

Bonjour à toutes et à tous.

Vous avez été destinataires du rapport d’activité présenté au nom de la direction élue au 11e congrès. Les trois ans passés ont été marqués à la fois par des événements forts dans le domaine économique et social, pour l’action syndicale et la vie de nos organisations, mais aussi par une constante : l’affrontement de classe s’amplifie. Les plus riches cherchent à capter les richesses produites et à assurer une domination sans partage sur le monde en laissant pour compte des millions de femmes et d’hommes qui pour nombre d’entre eux voient même leurs droits fondamentaux régresser.

Richard avait ouvert le 11e congrès en décembre 2013 en faisant le bilan d’une politique gouvernementale qui avait tourné le dos aux espoirs de changement des Français.es et aux engagements pris.

Rappelons-nous pourtant le rejet très majoritaire notamment chez les jeunes et les salarié.es d’un « Sarkozisme » qui montrait déjà le visage d’une droite « décomplexée » vantant les mérites de la réussite individuelle, défenseur de l’ultralibéralisme, d’une droite prête à tout pour défendre les intérêts étroits des privilégiés et de la Finance, n’hésitant pas à nous entraîner dans des conflits qui n’ont laissé que misère et désolation dans des pays qu’ils prétendaient libérer.

A quelques mois d’échéances électorales importantes, force est de constater que la majorité élue en 2012 non seulement n’a pas répondu aux attentes des Françaises et des Français, mais elle a, pour l’essentiel, poursuivi la même politique, répondant aux exigences du patronat en ignorant, et le plus souvent en méprisant, les représentant.es des salarié.es.

Je ne suis pas certain que les derniers rebondissements médiatiques autour de la non candidature de l’actuel président change la donne : les salarié.es doivent et devront d’abord compter sur leurs luttes pour défendre leurs intérêts.
Ces dernières années nous avons dû organiser la résistance dans un contexte de division syndicale renforcée et de répression antisyndicale (et surtout anti CGT) jamais vu depuis des décennies.

Nous avons traversé également une crise sans précédent de notre organisation.
Dans cette situation, il faut apprécier positivement notre dynamique d’action, sans en cacher les limites, et prendre acte de nos progrès en matière d’organisation, même si beaucoup reste à faire pour que le syndicalisme « de classe et de masse » que nous revendiquons se traduise dans tous les champs de notre fédération par une réalité objective.

Je ne reprendrai pas sur tous les éléments présentés dans le rapport d’activité pour qualifier la situation de crise que connaît notre société, j’en rappellerai quelques éléments essentiels.

La France est un des pays les plus riches du monde où la répartition des richesses est la plus inégalitaire. D’un côté 13% des Français.es sont en situation de pauvreté, de l’autre la France se situe au 2e rang mondial pour le nombre de millionnaires. La France, c’est près de 5,5 millions de demandeurs d’emplois dont près de 800 000 jeunes de moins de 25 ans mais c’est aussi une productivité record, des salarié.es qui souffrent d’un travail trop pénible, de cadences infernales.

Les licenciements économiques se multiplient alors que les cadeaux au patronat n’ont jamais été aussi élevés. Pour ne citer que les derniers en date, on annonce 900 nouveaux emplois supprimés chez Alcatel-Lucent, 1826 à Air-France, 1164 dont 640 en France chez Airbus... avec des carnets de commande pourtant bien remplis. Partout se multiplient les plans dits « sociaux » et les accords « offensifs » comme chez Renault avec un chantage scandaleux sur l’emploi. C’est ça l’esprit de toutes les mesures gouvernementales prises dans le cadre du funeste pacte de responsabilité bien mal nommé.

Ces entreprises qui émargent au Crédit Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) comme au Crédit Impôt Recherche (CIR), qui bénéficient d’exonérations en tous genres, n’utilisent cet argent ni pour l’investissement ni pour l’emploi. Selon un rapport cité par les Échos en août 2016, au deuxième trimestre de l’année en cours les plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse ont versé plus de 35 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, soit une hausse de 11,2%. La France occupe ainsi la deuxième place européenne et la troisième place mondiale en termes de hausse des dividendes, derrière les Pays-Bas et la Corée du Sud. Les actionnaires des banques sont les mieux servis, avec des distributions de dividendes en hausse de 50 à 70%. La campagne sur le coût du capital doit être poursuivie et sans doute déployée là où cela n’a pas été fait si nous voulons combattre la résignation et le fatalisme qui s’emparent trop souvent des salarié.es et d’une partie de nos militant.es.

Cette préemption du Capital qui appauvrit la grande majorité des hommes et femmes du pays assèche les finances publiques, justifiant aux yeux des gouvernants les politiques d’austérité.

C’est vrai en France, mais ces logiques concernent de nombreux pays, et chacun a en mémoire le rôle de la « Troïka » qui tient toujours sous tutelle la Grèce où plus d’un.e actif.ve sur quatre est privé d’emploi. Ces choix s’inscrivent dans le droit fil du « Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance » (TSCG) imposé aux Français.es par la majorité au pouvoir et l’opposition de droite.

Au niveau mondial, pour ne citer qu’un chiffre, retenons que le patrimoine cumulé des 1% les plus riches dépasse celui des 99% du reste de la population.
Cet ordre économique et social basé sur l’exploitation capitaliste se maintient grâce à un système de domination violent entraînant guerres et manipulation des opinions mondiales parfois sous couvert de la défense des Droits de l’Homme. Les mouvements identitaires, quels qu’ils soient, sont les sous-produits de ce système et sont savamment entretenus. La crise migratoire, conséquence des conflits les plus récents (Irak, Syrie, Libye) prolonge les exodes économiques massifs Sud Nord et Est Ouest.

L’État français s’illustre par des choix totalement contraires aux Droits de l’Homme et aux valeurs de solidarité internationalistes de notre peuple et reste impliqué dans la majorité des conflits armés. La CGT s’honore, elle, de défendre la Paix et de s’engager dans une démarche de solidarité active auprès de toutes les victimes des conflits et des désordres économiques et écologiques que connaît le monde.
Pour pérenniser le système de domination économique et échapper à la résistance populaire, les gouvernants et les puissances financières multiplient les accords bilatéraux comme le TAFTA (UE-USA) ou la CETA en donnant aux grands acteurs économiques un droit supérieur aux droits des peuples, encadrant toute possibilité de changement de société. Nos champs professionnels de la Culture, l’Education et la Recherche sont directement menacés.
Nous aurons un débat dans ce congrès mais il faut réévaluer cette dimension dans nos démarches revendicatives.

Le gouvernement français, loin de résister au capitalisme mondialisé, tente même de s’affranchir des règles et du droit international comme il vient de le faire avec la loi Travail : la CGT et FO ont d’ailleurs engagé des procédures juridiques auprès de l’OIT. Il est temps pour le syndicalisme européen de s’emparer de ces enjeux. Les nombreux soutiens reçus de syndicats étrangers lors de ce conflit montrent qu’on peut rendre concrète et active la solidarité internationale.

Présentant cette mondialisation comme une fatalité, le gouvernement décline dans tous les domaines de sa politique économique et sociale le dogme imposé par les puissances économiques et financières. La droite a beau jeu de faire désormais de la surenchère en s’attaquant à tous les services publics accusés de tous les maux, aux budgets sociaux, à tout ce qui faisait le pacte social issu du programme du Conseil National de la Résistance en oubliant que ces choix audacieux avaient permis de concilier croissance économique et développement social.

Parce que nous agissons pour une autre répartition des richesses nous avons porté avec l’ensemble de la CGT des propositions alternatives pour que les 200 milliards transférés aux revenus du capital soient utilisés autrement en renforçant nos services publics, en augmentant les salaires, en investissant dans un appareil productif au service de tous, en finançant la sécurité sociale pour qu’elle prenne en charge de nouvelles missions en matière de dépendance ou de sécurité sociale professionnelle. Il faut pour cela un réforme fiscale ambitieuse et redresser l’appareil productif autour de projets de développement respectueux des hommes et des femmes et de l’environnement.

Dans le combat pour l’industrie que mène notre confédération, nous avons toute notre place à prendre parce le développement et la démocratisation de la Formation, l’investissement dans la Recherche sont des éléments clés pour l’avenir.
Ces luttes sont donc indissociables de celles que nous menons contre les insuffisances des budgets de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et la Recherche, de la Culture et de la Jeunesse et des Sports, qui se traduisent par un abandon des missions, des transferts de compétence dangereux pour la cohésion sociale, une précarité et une politique de l’emploi scandaleuses. Rappelons que c’est entre autre le résultat de coupe sombre à hauteur de 50 milliards d’euros dans les dépenses publiques entre 2015 et 2017. Les problèmes d’équilibre budgétaire bien réels sont le résultat de ces choix.

Cette austérité budgétaire a aussi un impact négatif pour l’ensemble de acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire et particulièrement le secteur associatif. Nous ne comptons plus le nombre d’associations en liquidation judiciaire, de licenciements dans ce domaine.

Il faut donc plus que jamais travailler à rassembler l’ensemble des salarié.es, les retraité.es, des privé.es d’emploi dans l’action et pour cela favoriser à chaque fois que c’est possible l’approche interprofessionnelle de ces revendications.
Dire cela n’est pas ignorer le besoin de prendre en charge les questions revendicatives en matière de salaires, de conditions de travail, d’emploi, de défense du statut ou des conventions collectives… bien au contraire.

Ces questions sont essentielles dans notre activité : le cadre unitaire a été souvent déterminant pour donner un caractère de masse à ces luttes. C’est particulièrement vrai lorsque la construction s’est faite à la base autour d’objectifs identifiables pour les salarié.es comme nous l’avons vu il y a deux ans pour l’emploi et contre la précarité dans l’ESR, comme nous le voyons cette année à l’INRA contre le RIFSEEP ou autour des problématiques de l’éducation prioritaire dans les lycées ou bien encore lors de différentes journées d’actions à l’AFPA… pour ne citer que quelques exemples. Nous avons eu des difficultés à coordonner, à faire converger et à inscrire dans la durée certaines de ces actions.

Il faut dire qu’il a fallu faire « feu de tout bois » en nous opposant aux contre-réformes dans de nombreux domaines, aux restructurations ou fusions destructrices de services publics, de démocratie, de droits des salarié.es. Certaines de ces luttes ont rencontré un écho majoritaire comme celle qu’ont menée les enseignant.es contre la réforme du collège mais parfois nous n’avons pu aller au-delà de démonstrations assez symboliques.

N’ignorons toutefois pas les multiples actions et réactions qui se déroulent au niveau des établissements, comme cela s’est encore vu récemment contre les fusions dans plusieurs universités ou contre la mise en place des ComUE.

Dans les universités, les logiques d’autonomie sont particulièrement graves mais elles tendent à s’imposer à tous les niveaux des services publics en se conjuguant souvent avec des logiques de décentralisation. Nul doute que ce dossier sera de nouveau au cœur de l’actualité revendicative puisque plusieurs candidats proposent de nouveaux et massifs transferts de compétences et des privatisations dans nos secteurs professionnels.

L’affaiblissement voire la disparition de services de L’État a un impact sur l’ensemble de la vie sociale. Ainsi l’abandon des nombreuses ambitions de L’État en matière de jeunesse et sport, la non-reconnaissance réelle de la place de ce ministère dans un pôle éducatif revendiqué par l’intersyndicale et notre syndicat SNPjs, pèsent sur toutes les structures relevant des services publics ou de l’économie sociale qui sont poussées vers des logiques de marchandisation. C’est aussi ce qu’ont dénoncé les animateur.trices des activités périscolaires lors de plusieurs journées d’action sur leurs conditions de travail.

Autre sujet au cœur des préoccupations des salariés : les rémunérations.

Dans le public alors que les questions de carrière, de salaire, de régime indemnitaire, de mobilité… sont au premier rang des interpellations individuelles des personnels, on peine à construire des journées d’action conséquentes, comme nous l’avons encore vérifié le 29 novembre. Il nous faut mieux coordonner nos interventions avec celles de l’UGFF puisque les négociations conduites au Ministère de la Fonction Publique se déclinent dans nos périmètres ministériels. Un regard croisé et attentif avec les négociations dans le domaine interprofessionnel s’impose aussi.

Affaiblis par une représentativité insuffisante dans certains ministères, par un périmètre unitaire souvent difficile à concrétiser, nous peinons aussi dans l’ESR à coordonner nos efforts alors que nous sommes la force syndicale la plus représentative.

La FERC, conformément aux orientations votées, ne peut se substituer aux syndicats qui doivent trouver le chemin de la construction commune lorsqu’ils sont concernés par les mêmes enjeux revendicatifs. Les blocages constatés nous ont conduits sur plusieurs dossiers à ne pouvoir déployer notre activité au niveau où il le fallait. Le gouvernement en profite, ne l’ignorons pas, pour se dispenser d’un cadre réel de négociation en ne prenant pas en compte la représentativité de la CGT. Il faut souhaiter que chacun.e sache tirer les leçons de ces impasses.

Dans le privé, les luttes sont beaucoup plus parcellisées dans nos champs professionnels. Là aussi, le rapport de force est essentiel et, lorsque la CGT est présente et organisée des avancées substantielles peuvent être obtenues, comme en témoigne l’expérience des camarades des FJT qui ont obtenu de réelles avancées revendicatives ou celle du jeune syndicat des Francas de la Manche qui a su lui aussi gagner des droits supérieurs à ceux de la convention collective, même si la règle des marchés publics au moins disant tend à fragiliser ces conquêtes sociales.
Cette description succincte de l’activité revendicative de ces derniers mois doit bien évidemment être complétée par la part que notre fédération a prise dans l’ensemble des processus d’actions interprofessionnelles.

L’heure est à l’analyse objective de ces mobilisations. Nous pouvons être collectivement fiers des 13 journées nationales unitaires d’action, de grèves et de manifestions, de cette manifestation nationale monstre du 14 juin, des arrêts de travail et des grèves dans un contexte de répression jamais vu, dans le cadre inédit de l’état d’urgence et les restrictions des libertés individuelles et collectives.

Apprécions également le résultat obtenu par la votation puisqu’1,5 millions de travailleur.seuses et de citoyen.nes ont choisi de se saisir de cette initiative en moins de 4 semaines pour exprimer leur opinion et traduire dans le vote ce que les sondages exprimaient. Soulignons l’engagement des militant.es de plusieurs secteurs de notre fédération comme ceux de l’enseignement initial privé qui nous ont fait parvenir des résultats de votation massive dans de nombreux établissements.
Lors de ce conflit, nous avons pu aussi vérifier l’engagement de milliers de salarié.es isolés, travaillant dans les TPE ou PME, des secteurs peu organisés. J’en profite pour rappeler que La campagne des élections TPE est bien évidemment l’occasion d’aller de nouveau à leur rencontre. La date, vous le savez, en a été reportée, et toute initiative individuelle et collective sera utile pour gagner des voix et assurer le succès de la CGT.

Quoi qu’en disent nos détracteurs, cette lutte a permis de donner un coup d’arrêt à certaines ambitions des plus libéraux. Ces reculs ne sont pas le résultat de discussions de couloir mais bien le fruit de la lutte. Dans certains secteurs professionnels, des négociations ont permis certaines avancées qui restent aujourd’hui certes encore à concrétiser, notamment autour des politiques de jeunesse, des plus précaires, des saisonniers, des intérimaires, de droit effectif à la déconnexion...

Le gouvernement a dû manœuvrer et a été contraint dans le champ de la fonction publique d’ouvrir là aussi des négociations, même si le résultat de celles-ci est très insuffisant en matière d’augmentation de point d’indice et de revalorisation des grilles et des carrières.

La loi Travail dont nous demandons l’abrogation ne doit pas rentrer dans nos entreprises répète-t-on. Il nous faudra décliner dans les champs fédéraux cet engagement. Cela ne peut être renvoyé à la seule responsabilité de nos syndicats de droit privé, d’autant que si l’on écoute plusieurs candidats à la présidence de la République déclarés, on constate qu’ils rivalisent dans leurs attaques contre la fonction publique, contre le statut. Il faut donc que fonctionnaires, agents publics, salarié.es sous statut et salarié.es de droit privé travaillent ensemble pour donner des suites à cette belle mobilisation pour défendre leurs droits, leurs statuts ou conventions collectives et en conquérir de nouveaux.

Nos repères revendicatifs adoptés très largement pointent d’ailleurs des objectifs ambitieux qu’il faut faire vivre. De nombreux articles consacrés aux droits collectifs, le numéro du Lien spécial DLAJ, le cahier de l’OFCT, ouvrent aussi des pistes pour mener ce débat avec les salarié.es, pour construire des démarches revendicatives. Le succès rencontré par les formations et réunions animées par les camarades du collectif travail santé nous permet de mesurer les attentes des salarié.es démunis face aux dégradations des conditions de travail, aux réorganisations dans lesquelles ils ne trouvent plus leur place.

Nous devons également faire le choix de saisir le monde du travail dans sa diversité : travailler aux questions nouvelles de précarité, du temps partiel subi, aux questions spécifiques du travail « saisonniers », aux droits sociaux … La lutte contre toute forme de précarisation de l’emploi doit se mener dans le privé et le public : il est nécessaire de mieux outiller nos syndicats, de mieux mutualiser nos expériences de luttes et nos victoires même partielles dans ce domaine. Nous devons continuer de donner des explications et porter des propositions globales contre ce phénomène dévastateur mais n’oublions pas que l’urgence de la précarité sociale que cela entraîne nécessite aussi d’avancer parfois pas à pas avec ces salarié.es : gagner 1 an de prolongation d’un CDD, un accès aux droits sociaux en matière de restauration par exemple ne signifie pas renoncer à nos objectifs, c’est donner aux salarié.es concernés une lueur d’espoir leur permettant de s’engager dans le combat contre ces formes les plus violentes de l’exploitation.

Notre fédération doit donc s’adresser plus et mieux aux 1,3 millions de fonctionnaires de son champ, mais aussi au million de salarié.es du privé qui sont dans le périmètre des conventions collectives sous la responsabilité de la fédération et de ses syndicats de droit privé, j’y reviendrai, car l’enjeu est d’importance pour ne pas laisser des salarié.es isolés face aux appétits des patrons et aux choix politiques du gouvernement.

C’est d’autant plus indispensable que cet isolement aggravé par le contexte économique, par l’affaiblissement des politiques Culturelles et d’Éducation populaire facteur de cohésion sociale mais aussi par l’affaiblissement de la présence syndicale, a conduit de trop nombreux salarié.es à soutenir plus ou moins ouvertement les nauséabondes idées d’extrême droite.

Le ton et les propos du désormais candidat de la droite et du centre nous ramène lui aussi aux vieilles recettes en matière d’ordre moral, de liberté, de démocratie, de droits des femmes, de droit à la différence, de laïcité… Ils sont aussi banalisés par la politique sécuritaire et autoritaire du gouvernement.

C’est pourquoi nous avons décidé de participer activement à la campagne confédérale contre les idées d’extrême droite tout en continuant d’agir concrètement contre toutes les formes de discriminations et pour les libertés.

Nous sommes investis dans de nombreux collectifs et nous nous associons dès que possible aux campagnes pour les droits et libertés. Notre présence à RESF et/ou dans les collectifs sans papiers, dans les collectifs LGBT, au CDERE au niveau national se décline parfois en région.

Nous sommes aussi intervenus régulièrement sur la question de la laïcité : pas celle « détournée et défigurée », pour reprendre le titre du dernier article du « Lien », qui sert de paravent aux islamophobes de tous bords, mais la laïcité émancipatrice qui a toujours été au cœur des combats de la CGT. La mise en place du collectif confédéral auquel participe une de nos camarades est une bonne chose et nous pourrons apporter une contribution fondée sur une riche expérience acquise dans les combats difficiles et parfois victorieux menés par nos camarades du SNEIP et du SNPEFP.

Ces engagements honorent toute la CGT et notre fédération et nous ne devons pas tomber pas dans le piège de ceux qui instrumentalisent ces peurs et laissent entendre qu’ils sont la « voix du peuple ». Des millions de nos concitoyen.nes montrent au quotidien qu’il est possible et vital pour l’avenir de notre pays de rester fidèle aux valeurs humanistes qui fondent la culture de la France bien plus que la mythologie d’une France blanche et catholique en vogue dans les années les plus sombres de notre histoire. Nous ne céderons pas, nous ne transigerons pas avec nos valeurs fondamentales et internationalistes. Faisons vivre le mot d’ordre de notre CGT : n’opposons pas les misères, combattons-les !

Combattre la misère, c’est agir pour nos services publics, pour une économie réellement sociale et solidaire mettant l’humain au cœur des enjeux de société. Combattre la misère, c’est agir contre le chômage. Combattre la misère, c’est assurer une protection sociale de haut niveau. Combattre la misère, c’est assurer un emploi et un salaire décent pour toutes et tous quels que soient l’âge, le sexe ou la nationalité. Combattre la misère, c’est permettre un accès de tous à l’éducation et à la culture. Combattre la misère, c’est mettre la recherche au service du développement humain et non des profits. Combattre la misère, c’est s’inscrire dans une perspective de transformation sociale.

Nous ne sommes pas seuls ni isolés dans ces combats. Nous rencontrons dans les collectifs, dans les mobilisations des forces associatives ou politiques avec lesquelles nous partageons des objectifs de luttes tout en préservant notre indépendance et en inscrivant nos actions dans le cadre syndical qui est le nôtre. Nous avons fait l’expérience qu’il était dangereux et contre-productif de s’en remettre aux échéances électorales ou de déléguer nos responsabilités au mouvement social quand bien même nous partageons avec de nombreux partenaires certains objectifs de transformation sociale.

Le syndicalisme doit être ancré dans les lieux de travail. Mais là aussi soyons vigilants et attentifs à l’évolution des conditions des rapports syndicats/employeurs que le pouvoir et le patronat nomment le « dialogue social ».

Nous avons à analyser aussi avec nos syndiqué.es et les salarié.es les limites de notre participation aux instances représentatives. Si nous ne faisons pas par principe le choix de la chaise vide, nous devons savoir mieux articuler construction syndicale, actions, revendications et négociations pour être efficaces. C’est vrai dans le secteur public et sans doute est-il temps, dans la perspective des élections professionnelles de 2018, de tirer le bilan du mandat qui nous a été donné.

Dans le privé, nous avons renforcé les collectifs de travail dans les branches de l’animation et du sport tout en étant loin d’avoir tissé l’indispensable lien qu’il faut avoir avec nos syndiqué.es. Les syndicats qui sont en situation de responsabilité sur ces branches sont en progression en matière de syndicalisation, de déploiement ou de représentativité à l’image du succès de nos camarades du SNPEFP, devenu la première force syndicale à HEC, ou de celui de nos camarades du lycée privé d’Hazebrouck qui viennent d’obtenir plus de 28% des voix alors que se sont multipliés dans l’établissement sanctions et licenciements contre les militants de la très jeune section CGT.

Notons d’ailleurs que lorsque nous nous en donnons les moyens, la CGT obtient des résultats positifs en matière de représentativité et de renforcement, comme ce fut le cas dans l’entreprise de délégation de service public « Vert Marine » où nous avons obtenus 66% des voix au premier tour avec quorum atteint au grand dam de l’employeur.

Ces victoires qui font chaud au cœur ne doivent pas masquer une réalité difficile : dans nos champs professionnels, les salarié.es sont le plus souvent dispersés dans des TPE ou PME où tout est à faire en matière de construction syndicale.
Notre fédération aura des choix à faire pour que nos engagements se traduisent par des faits en matière de mutualisation de moyens entre public et privé. C’est à ce prix que nous développerons notre activité auprès des centaines de milliers de salarié.es de droit privé dans l’Éducation, la Recherche et la Culture.

Il faut aussi rester solidaires face à la vague de répression antisyndicale, anti-CGT, face à toutes les atteintes aux libertés. Nous avons eu raison d’être aux côtés des Goodyear et des AIR France à l’appel de notre confédération. Nous avons dénoncé les interdits, les gazages et autres violences policières, nous continuons le combat pour dénoncer les procès iniques qui touchent des ami.es et militant.es comme Nicolas Jounin ancien enseignant.e en sociologie de Paris 8 qui a été condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis accompagnée de l’inscription au casier judiciaire pour des faits totalement falsifiés. Des dizaines d’autres militant.es syndicaux et de jeunes subissent le même sort. Ainsi, un camarade de la construction est menacé d’une peine d’un an de prison avec sursis, de 4000 euros dont 2000 avec sursis pour un jet de peinture dans les locaux de la chambre patronale au cours d’une action collective.

La criminalisation de l’action syndicale est à mesurer à l’aune de la clémence accordée aux patrons voyous, aux fraudeurs, à ceux qui chaque jour mettent en péril la vie des salarié.es.

Nous devons aussi débusquer chaque acte d’entrave au quotidien, les retards de carrière, les interdits professionnels, et agir pour combattre toute forme de discrimination contre les militant.es syndicaux. Il nous faut reprendre l’offensive en utilisant les outils fédéraux mis à la disposition des militant.es des organisations fédérées

Le patronat et les gouvernements successifs rêvent de placer le syndicalisme au rang de caution sociale, chargée de se cantonner dans l’accompagnement des politiques dont le maître mot reste la priorité donnée à la rentabilité du capital.
Certaines forces syndicales s’en accommodent et en font même leur fonds de commerce, d’autres se réfugient dans le repli corporatiste.
Le mouvement social de ces derniers mois a montré que les orientations mises en œuvre par notre confédération, réaffirmées lors du 51e congrès, sont celles qu’attendent les salarié.es.
Revendiquer, rassembler et lutter, négocier pour gagner, c’est ce syndicalisme que nous faisons vivre. Un syndicalisme de classe et de masse, de résistance et de propositions.

Si ceux qui prédisent notre fin prochaine et nous accusent de passéisme mettent tant d’acharnement à nous combattre c’est qu’ils connaissent notre efficacité et le rôle central que nous pouvons jouer pour contrer leurs ambitions. C’est parce qu’ils nous craignent et reconnaissent implicitement le rôle majeur de la CGT pour la défense du monde du travail que certains vont jusqu’à demander l’interdiction de la CGT : c’est en quelque sorte l’hommage du vice à la vertu.

Oui la CGT est utile et je voudrais illustrer l’importance de notre présence et notre activité syndicale pas deux exemples dans nos champs professionnels.
Nous venons avec la confédération de célébrer les 70 ans de l’AFPA. Nous avons évidemment en mémoire la parole des salarié.es qui constatent la dégradation de leurs conditions de travail et la baisse de l’emploi. Pour autant, le projet initial de liquidation de l’outil public n’a pas été atteint. L’intervention des salarié.es, le rapport de force conforté par de bons résultats de la CGT, la complémentarité des interventions du syndicat et de la confédération ont permis de donner un cadre national permettant de poursuivre l’activité de l’AFPA au service de la formation professionnelle. La lutte n’est pas terminée, les risques ne sont pas écartés définitivement et il faut reconquérir le terrain perdu face à une politique de marché libéral mais sachons apprécier le chemin parcouru.

Le deuxième exemple est celui de l’ouverture de la négociation pour la fonctionnarisation des salarié.es des personnels ouvriers des CROUS. Cette négociation a été imposée par des actions iconoclastes parfois, comme la manifestation sauvage à Matignon, contraignant le cabinet à recevoir le syndicat, les occupations du conseil d’administration du CNOUS, ou les rencontres imposées avec des ministres lors de visites ou d’inaugurations diverses. C’est aussi le fruit d’une représentativité de haut niveau, le travail d’un réseau de syndicats forts de plus de 1000 syndiqué.es. Si rien à ce jour n’est acquis, il semble que ce dossier soit en passe d’aboutir, et ce serait à mettre au seul crédit de la CGT puisque les autres forces syndicales en présence n’ont cessé depuis des mois de dénigrer l’action de nos camarades.

L’enjeu est donc bien de renforcer partout notre présence, notre représentativité, et notre qualité de vie syndicale.

En dépit des crises qui ont affecté la CGT, des bouleversements du monde du travail, de la répression syndicale, notre fédération, ses syndicats sont bien présents.
En 2014 dans la fonction publique nous avons pu préserver l’essentiel de nos forces, malgré un mode scrutin pénalisant et un contexte difficile, et même obtenir quelques progrès dans certains secteurs. L’échéance de 2018 est bien sûr un sujet majeur qui sera sur la feuille de route de la future direction fédérale.

J’ai cité plusieurs résultats dans le champ du privé qui montrent, même si ce n’est pas uniforme, des progrès parfois spectaculaires sur lesquels nous ne communiquons d’ailleurs pas assez : nous devons renforcer le pilotage collectif autour des enjeux de représentativité.

La syndicalisation relève de la responsabilité première des organisations fédérées. Néanmoins, le suivi et l’aide de la fédération sont essentiels pour nombre d’entre elles et pas seulement pour aider à la maîtrise des outils Cogitiel et Cogétise.
Nos progrès mesurés mais réguliers comme l’indiquent les tableaux présentés par Olivier, doivent faire l’objet d’analyses fines et de démarches concertées pour aborder des questions aussi complexes que celle de la continuité syndicale en lien avec l’UFR, celle des déserts syndicaux dans nombre de TPE du secteur privé, celle de la faiblesse ou l’absence de la CGT dans plusieurs secteurs de la fonction publique.

Il faut non seulement augmenter le nombre de syndiqué.es mais aussi pouvoir les organiser en bases syndicales permettant à chacun d’eux d’être acteur et réellement décideur dans la CGT, d’être en capacité de mettre en place sur son lieu de travail la démarche CGT. Nous ne pouvons que nous féliciter des progrès accomplis puisque nous avons validé l’affiliation de plusieurs syndicats et celle de l’Union des syndicats CGT des MFR lors de la dernière CE de ce mandat.

La qualité de vie syndicale, c’est aussi la formation syndicale, dotée depuis le début du mandat de moyens nouveaux, c’est une communication modernisée avec la nouvelle maquette du « Lien » et le nouveau site de la FERC que les camarades qui ont été pilotes en la matière vous présenteront demain. Nous avons investi également dans la modernisation des locaux et du parc informatique.

Ces outils sont au service de l’activité revendicative comme le sont les collectifs dont certains, j’y ai fait référence, ont été particulièrement actifs pour permettre le déploiement de l’activité des syndicats et une approche plus collective et confédéralisée à l’image du travail réalisé par le collectif « formation professionnelle » mais on pourrait citer de nombreux autres exemples.

Pour conclure ce rapport, permettez-moi de vous faire part d’une conviction profonde confortée par l’expérience de ce mandat.
Tous nos efforts doivent viser à être plus efficaces : plus efficaces pour rassembler les salarié.es autour de revendications et propositions de progrès quel que soient leur statut, leur profession, leur région, leur genre, leur nationalité… plus efficaces pour construire des luttes victorieuses, plus efficaces pour porter un projet de transformation sociale du 21e siècle permettant l’émancipation des travailleur.euses.
Cela demande de travailler sans relâche à l’unité et de combattre les tentations de divisions autour d’enjeux dans lesquels ne se retrouvent pas les syndiqué.es. Le 51e congrès est riche d’enseignements car après une crise profonde, notre confédération est de nouveau en ordre de marche.

Apprendre à mieux travailler ensemble dans la CGT, dans nos syndicats, dans notre fédération, dans la confédération est un impératif. Notre participation renforcée à de nombreux collectifs et groupes de travail dans la confédération, l’investissement de nombreux camarades dans les directions des structures interprofessionnelles sont des éléments importants mais ne sauraient suffire.

Le long combat pour sortir du corporatisme très prégnant dans nos champs professionnels est essentiel au moment où le repli sur soi, sur son territoire ou son métier gagne du terrain, encouragé par des dérives institutionnelles en matière de carrière ou d’organisation du travail. Poursuivons nos efforts pour faire progresser l’unité du monde du travail en France, en Europe et dans le monde.

Je suis convaincu que notre fédération est l’outil pertinent pour permettre à nos syndicats de répondre efficacement à ces défis. Notre douzième congrès saura, je n’en doute pas, donner l’élan nécessaire pour faire vivre et grandir notre syndicalisme CGT dans l’Éducation la Recherche et la Culture.

Vive la FERC, vive son 12e congrès et vive la CGT