RetraitéE - continuité syndicale Sécurité sociale Société UFR

 Réformer l’hôpital, pourquoi ?

 

On ne dira jamais assez que l’on réforme en principe pour améliorer. Or, en ce qui concerne l’hôpital, le processus d’amélioration s’est arrêté dans les années 80 et, du point de vue de très nombreux spécialistes et des personnels médicaux, l’hôpital fonctionne au mépris des valeurs portées par ses agents.

Jusqu’en 1941, l’hôpital fut le lieu d’accueil exclusif des indigents malades ou aliénés. C’était une institution sociale avant d’être une institution sanitaire.
La loi du 21 décembre 1941, complétée par le décret d’avril 43, transforme la conception de l’hôpital qui passe d’une logique de secours aux pauvres à celle d’assistance aux malades. Ces textes créent la fonction de directeur et consacrent l’organisation de l’hôpital en services.

C’est bien sûr la création de la Sécurité sociale par l’ordonnance du 4 octobre 1945 sous l’impulsion du CNR et d’Ambroise Croizat qui va permettre la concrétisation de ce qui n’était que des formules sur le papier : les travailleurs et leurs ayants droits pourront désormais se faire soigner.

La transformation se fait en plusieurs étapes, ce qui ne permet pas d’appréhender l’importance du changement. D’abord, mise en place d’une politique de direction par objectifs et la mise en œuvre des centres de responsabilité (Loi du 19 janvier 1983). Ensuite, la mise en place du projet d’établissement (Loi du 31 juillet 1991). Enfin, l’ordonnance du 2 mai 2005 et la loi du 21 juillet 2009 qui introduit de nouvelles méthodes de gouvernance. Le nouveau management public, désormais à l’œuvre, heurte de plein fouet une histoire marquée par l’accueil de toutes les souffrances.
De sa première définition « art de bien diriger la maison et bonne administration domestique » on passe en anglais à « action de conduire, d’entraîner » : le mot management revient en 1921 en français avec le sens de « bien diriger une entreprise ». Appliqué aux services publics, il fausse entièrement le sens du mot et de l’objet en français. Le changement de rapports de force fait que c’est l’économique qui prime sur le service.

Le référentiel a complètement changé dans ce début des années 80. On voit émerger la théorie de l’Agence qui étudie les relations entre les personnes et distingue le donneur d’ordre et le mandataire, d’où naît tout un délire de structures et de superstructures où se prennent des décisions aberrantes par rapport au but premier de l’hôpital qui est d’accueillir et de soigner les patients grâce aux extraordinaires moyens mis en œuvre depuis 1946. De toutes ces réflexions – bien souvent étrangères au monde réel – vont sortir de nouveaux modes de gouvernance, plus proches du privé avec but ultime de transformer les hôpitaux en entreprises para-publiques au sein d’un quasi-marché, l’Etat n’étant plus que le fournisseur de services : il achète et met en concurrence des « offreurs de soin ».

L’autonomie et l’indépendance sont garanties par des instances décisionnelles (équipes de directions, conseil d’administration en charge de la définition de la politique de l’établissement).

Le changement du financement est essentiel : auparavant, les hôpitaux bénéficiaient d’une dotation de la Sécurité Sociale, fonction de leur activité ; dorénavant c’est le régime de la T2A (Tarification à l’Acte) qui devrait permettre le fonctionnement des établissements. Quant au GHT (Groupement hospitalier de territoire) dernière lubie, il va encore plus éloigner le patient de l’hôpital…

L’avant-dernière réforme dite loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire) qui devait mettre le malade au cœur du dispositif n’a visiblement pas atteint son but, on a vu ce qui arrive : sur-mortalité pire en 2016-2017 qu’en 2003, cette fois-ci due à la grippe et non pas à la canicule. Mais est-ce étonnant d’avoir chaud en été et la grippe en hiver ?

La défense de l’hôpital public doit être une priorité absolue pour nous tous de même que la défense de la Sécurité Sociale.