Maladie de Creutzfeldt-Jakob, pour établir la vérité
Le 17 juin 2019, Émilie est décédée de la maladie du nouveau variant de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ), à 33 ans. Elle avait contracté cette maladie lors d’un accident du travail survenu en 2010 à l’INRA de Jouy-en-Josas. À 23 ans, elle occupait son premier emploi en CDD et travaillait sur des agents hautement pathogènes pour l’être humain : les prions infectieux.
En septembre 2020, une mission d’expertise de la sécurité des travaux sur les prions infectieux dans la recherche publique rendait son rapport aux ministres de la recherche et de l’agriculture. Ce rapport préconise un suivi de l’exposition professionnelle aux prions, un renforcement des protocoles de sécurité et l’harmonisation des procédures en cas d’accident.
Fin juillet 2021, une technicienne retraitée est atteinte de MCJ. Elle avait travaillé sur les prions dans une unité mixte de l’École Vétérinaire et de L’INRAE de Toulouse. Après ce second cas, L’ANSES, le CEA, le CNRS, L’INSERM et L’INRAE, en accord avec le MESR, annonçaient un moratoire de trois mois pour les travaux de recherche sur les maladies à prions.
Le 4 novembre 2021 cette collègue décède. Elle avait eu deux accidents de travail avant de prendre sa retraite.
Il n’y a pas de recensement obligatoire des laboratoires de recherche qui travaillent sur les prions infectieux. La réponse de la ministre à un avis du CHSCT MESR du 1er octobre 2019 montrait sa méconnaissance du sujet et elle invoquait la confidentialité pour refuser de répondre à l’avis. La délégation d’enquête en a identifié neufs en France, dont quatre en lien avec des universités. D’autres établissements peuvent être concernés.
C’est pourquoi la FERC alerte sur la situation. Une note de lecture du rapport de l’IGESR et deux publications viennent compléter les deux rapports (INRAE et IGESR) sur la question. L’employeur public commence à prendre la mesure du danger des prions infectieux et des tragédies qui peuvent ressurgir (maladie mortelle et incurable, temps d’incubation de plusieurs années, résistance particulière du prion aux désinfectants, modes de transmission mal connus).
Ces deux accidents mortels illustrent les failles de sécurité, accentuées par la précarité (jeunes collègues contractuel·les exposés à ces risques sans formation, ni expérience) et par les financements sur projets : l’appât du gain et la mise en concurrence conduisent certaines équipes à entreprendre des recherches financées sans maîtriser les dangers propres à ces sujets, ni les mesures de prévention primaire indispensables.
Financer la recherche par projets montre la difficulté de développer et d’entretenir sur le long terme des infrastructures de recherche avec du matériel et des protocoles de sécurité adéquats régulièrement évalués.
Il est vital d’alerter les CHSCT d’établissements sur la situation, de les interpeller sur l’existence de laboratoires ou d’équipes travaillant sur le sujet, et sur le suivi professionnel et post-professionnel de l’exposition à ces risques. Cette tragédie montre également l’importance de lutter contre les sous-déclarations des accidents de travail dans l’ESR.
Au-delà, il nous semble important que toutes les personnes ayant travaillé
depuis 1995 sur les prions infectieux, qu’iels soient agent·es titulaires, contractuel·les ou stagiaires, actif·ves ou retraité·es, soient recensées au plus vite. Un soutien psychologique doit leur être proposé s’iels le souhaitent.
La FERC les invite à se signaler à l’employeur·se et directement auprès d’elle : ferc@cgt.fr
Pour aller plus loin.