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 Nous dénonçons l’intervention turque à Afrine

 

Les images de la Ghouta et de ses victimes d’un régime prêt à recourir à tous les moyens pour consolider son pouvoir sont insoutenables. Le Conseil de sécurité de l’ONU a immédiatement réagi et a voté une trêve humanitaire pour évacuer les civils et acheminer une aide.

Il s’agit d’une bouffée d’air indispensable à ces populations victimes des bombardements interminables et sans doute d’attaques chimiques. Mais à peine quelques centaines de kilomètres plus au Nord, une autre ville de Syrie est également l’objet de bombardements et de massacres tout aussi massifs qui, hélas, ne provoquent pas les mêmes réactions des forces occidentales. Manifestement d’autres enjeux interviennent…

La ville d’Afrine, peuplée majoritairement de Kurdes, est attaquée depuis le 20 janvier par l’armée turque accompagnée de groupuscules djihadistes, au prétexte que les Kurdes, qui ont proclamé une autonomie démocratique et laïque (que c’est rare de trouver un tel régime au Moyen-Orient), menaceraient les frontières turques.

Le peuple kurde est au cœur des enjeux géostratégiques

Cette attaque de l’armée turque contre les forces démocratiques de YPG (Unité de Protection du peuple) d’Afrine s’inscrit d’une part dans un contexte d’intensification d’affrontements de grandes puissances (notamment des USA et de la Russie), d’autre part dans les desseins expansionnistes du régime réactionnaire turc d’Erdogan.

En effet, la Russie de Poutine, ne voulant pas perdre ses positions militaires, a décidé d’intensifier sa participation à la guerre de Syrie à partir de septembre 2015 pour soutenir le régime réactionnaire de Bachar al-Assad. Quant aux USA, après l’échec de leur intervention militaire en Irak, ils avaient décidé, dans la lutte contre Daesh, de soutenir militairement les Kurdes d’Irak et de Syrie. Lors des opérations de Rakka et de Deir el Zor (novembre 2016-novembre 2017), qui ont été déterminantes dans la défaite de Daesh, l’administration d’Obama avait décidé de donner des armes lourdes aux Kurdes.

Après l’expérience désastreuse de l’Irak, les USA veulent utiliser la puissance des Kurdes comme une force leur permettant de rester à long terme en Syrie sans pour autant s’engager militairement. Conscients de cette politique des états-Unis, les Kurdes souhaitent instrumentaliser cette relation, d’abord pour s’armer mais aussi pour faire accepter aux Russes (et donc au régime syrien) le cadre fédératif démocratique qu’ils ont mis en place. Quant aux Russes, manifestement ils ne sont pas fermés à reconnaître une certaine autonomie aux Kurdes à condition que celle-ci reste sous leur contrôle, ce qui vise avant tout à contrecarrer le plan des USA de rester à long terme en Syrie. La Turquie, inquiète de voir que les Kurdes consolident leurs positions, n’a pas hésité à exprimer publiquement son hostilité à cette politique américaine. Pour essayer de « contraindre » les USA à abandonner les Kurdes, la Turquie d’Erdogan s’est rapprochée de la Russie, alors qu’elle est membre de l’OTAN depuis 1952. Dans un souci d’aiguiser les contradictions entre deux pays membres de l’OTAN, Poutine a accepté d’accorder une certaine importance à la Turquie notamment lors de l’accord d’Astana en mai 2017.

C’est dans un tel contexte que les Américains ont annoncé début janvier vouloir mettre en place une « Force de sécurité frontalière » de 30 000 hommes, notamment avec des Kurdes, montrant ainsi leur volonté de rester à long terme en Syrie. Erdogan a alors annoncé qu’il ne laisserait pas une « telle armée »
à sa frontière. Les Russes en ont profité pour demander aux Kurdes de laisser le contrôle du canton d’Afrine au régime syrien, ce que le YPG a naturellement refusé.
C’est ainsi que Poutine a décidé de retirer ses soldats d’Afrine et donné un feu vert à la Turquie afin d’y intervenir militairement contre un peuple qui a déjà payé un lourd tribut dans la guerre contre Daesh et qui aspire désormais légitimement à une autonomie démocratique.

Erdogan mène aussi une politique réactionnaire à l’intérieur

Cette politique belliciste et agressive de l’état turc trouve son corollaire réactionnaire à l’intérieur du pays. Dès l’annonce de la guerre, le gouvernement de l’AKP, utilisant les instruments que lui procure l’état d’urgence, a immédiatement bâillonné toute opposition à cette intervention. Toutes les forces démocratiques de la Turquie sont touchées par des arrestations et des intimidations les empêchant d’être une lueur d’espoir dans un contexte d’obscurité totale.

La FERC a déjà affirmé, notamment lors de son congrès, son soutien au peuple kurde et à toutes les forces démocratiques de la Turquie et a dénoncé la dérive autoritaire du régime d’Erdogan et la complicité de l’Occident, notamment de la France.