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 Traité européen TSCG : le dossier

 

Traité européen la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) : s’opposer à la ratification du traité en France, un enjeu syndical vital pour nos conditions de travail

La CGT avec la CES (confédération européenne des syndicats) a dénoncé, dès sa constitution, le projet de traité instituant " une règle d’or " voulue par les gouvernements Sarkozy-Merkel l’hiver dernier et destiné à corseter les prises de décision législatives des États membres de l’Union Européenne en leur imposant une rigueur budgétaire drastique.

Aujourd’hui, le nouveau gouvernement français s’apprête à faire ratifier par le parlement ce nouveau traité, qui même s’il a été un peu " habillé " en particulier avec un pacte de croissance, très limité et aucunement contraignant pour les États adossé au texte, comporte toujours les même dangers pour les salariés en matière d’emploi, de salaires, de protection sociale, de services publics.

Ainsi le TSCG (traité de stabilité, de coordination et de gouvernance) est fondé sur une politique érigeant l’austérité en dogme européen bloquant toute perspective de croissance et de progrès social pour des années sur l’ensemble du continent.

Dès janvier, la CES expliquait pourquoi les mesures d’austérité de limitation du déficit public imposé par ce traité ne permettraient pas à l’Europe de sortir de la crise économique et financière.

Si la France adoptait ce texte, plus aucun investissement durable ne serait possible, cela instituerait une gestion à la petite semaine de la crise et de ses conséquences en matière de chômage, de baisse du pouvoir d’achat, de désindustrialisation, ou de disparition des moyens pour les Écoles, les hôpitaux ou les transports publics (…).

Aucune politique publique nationale visant à créer, à améliorer la réponse aux besoins des citoyens dans des domaines essentiels à leur vie au quotidien, ne pourrait être mise en œuvre car considérée trop coûteuse en deniers publics. Cela accélérerait encore la privatisation, le démantèlement, la disparition de nombreux établissements ou organismes relevant des missions publiques garantes de la cohésion nationale.

C’est notre modèle social qui risque d’être mis à bas !

Le président Hollande et son gouvernement affichent la volonté de recourir systématiquement à la négociation et d’ériger en méthode de gouvernement la démocratie sociale. Nombre de négociations s’engagent dans le pays sur des sujets aussi essentiels pour nos conditions de travail, nos rémunérations, notre protection sociale, que la sécurisation des parcours professionnels, l’emploi en particulier des jeunes, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la qualité de vie au travail, l’avenir des services publics…

Avec le nouveau traité aucune négociation en France ne pourra déboucher sur une amélioration du droit des salariés, des citoyens, puisque tout accroissement des dépenses pour répondre aux besoins sociaux sera difficile sinon interdit par les instances européennes. En effet, les gouvernements qui ne parviendraient pas à se conformer au pacte budgétaire seront traduits devant la Cour de justice européenne, qui pourra imposer des sanctions.

Ainsi, par exemple, le nouveau gouvernement français n’aurait pas pu faire adopter la mesure sur le départ à la retraite à 60 ans des salariés ayant effectué des carrières longues. Vu la situation financière de la France, les instances européennes auraient jugé contraire au traité cette mesure compte tenu du niveau du déficit public . Toute décision nationale d’un retour à une retraite pleine et entière pour tous à 60 ans serait jugée impossible. Avec la ratification de ce traité, la politique antisociale -déjà en place pour les salariés grecs, espagnols, italiens portugais ou allemands- gagnerait la France.

Les conséquences des mesures d’austérité dans des pays européens

Portugal

En échange d’un prêt de 78 milliards d’euros sur trois ans, le Portugal a, en 2011, accepté des mesures d’austérité établies par les représentants de la Troïka (Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne). La situation du pays aujourd’hui, c’est une récession de 3% et un chômage à 16%. Pour la CES, il faut définitivement abandonner les mesures d’austérité qui ont appauvri des millions de citoyens en Europe et étouffé toute possibilité de reprise. Les délais de paiement imposés au Portugal sont socialement inacceptables. Il est temps de céder véritablement la place à des mesures favorisant une croissance durable, des emplois de qualité et des salaires décents, telles que celles proposées dans le Contrat social pour l’Europe de la CE. Dans le secteur de l’éducation, cette politique s’est traduite par la baisse des salaires et des retraites, la fermeture de classes, la disparition de l’orientation, des programme de soutien au décrochage scolaire…

Italie

Les conséquences du plan d’austérité de Mario Monti adopté fin 2011 ne se sont pas fait attendre, l’économie italienne s’est contractée de 0,8% au deuxième trimestre 2012 par rapport au premier, un chiffre supérieur à l’estimation initiale, et le recul du produit intérieur brut (PIB) atteint 2,6% sur un an et 36% des jeunes au chômage. Face à ce bilan catastrophique, le tour de vis vers encore plus d’austérité est immédiat : réduction de 10% des fonctionnaires, suspension de tous les concours de l’administration jusqu’à fin 2015 et mise en chômage technique pendant deux ans ou en retraite anticipé ( avec un niveau de pension très faible) de 300 000 fonctionnaires, réduction des lits d’hôpital, recul de la retraite pour les femmes à 65 ans.

Allemagne

Le conseil syndical européen de l’Éducation, auquel la Ferc CGT est affiliée, a pointé les conséquences sur l’Éducation en Allemagne, d’une politique de limitation des dépenses publiques fédérales au nom de la réduction de la dette. Les investissements reposent à 86% sur les Lander mais leur budget varie dans ce domaine de 30 à 40% par an et devraient encore baisser avec les nouveaux engagements de 2012. Les emplois sont le premier poste de diminution, les moyens consacrés à l’accueil de la petite enfance, le second. Le CSEE préconise au contraire de nouvelles sources d’imposition, notamment une taxe foncière ainsi qu’une taxe sur les transactions financières et l’amélioration de la coopération entre le gouvernement et les Länder en sortant du carcan d‘économie budgétaire.

Espagne

L’austérité se traduit par une déréglementation du marché du travail : objectif, faire baisser le coût du travail au nom de la compétitivité et niveler les salaires en attaquant le droit du travail notamment en rendant le licenciement plus facile et moins coûteux pour le patronat. Résultat, des travailleurs " discount " : les jeunes dans les plus petites entreprises ont des contrats de travail de 3 ans avec 1 an à l’essai, les entreprises touchent 3000 euros de subvention publique, 300 euros de plus pour l’embauche d’une femme( !), plus encore pour un " sénior ". Cela introduit des salariés à deux vitesses, fragilisés, précarisés, sans droits, corvéables et jetables…

Pays Bas

Les élections législatives viennent de confirmer les partisans de l’austérité, le patronat a d’ailleurs fait une campagne très active pour aider les libéraux à convaincre que la politique suivie en Europe était bonne pour les investissements économiques. La réalité sociale est toute autre : 370 000 salariés sur 9 millions d’actifs vivent sous le seuil de pauvreté. Le pouvoir d’achat va reculer de 7% entre 2012 et 2013 directement en raison de l’application de la " règle d’or ". Seules 2 000 personnes ont signé un contrat à durée indéterminée en 2011, contre 83 000 l’an dernier. Les statuts d’auto entrepreneurs explosent (750 000), ils n’offrent aucune convention collective. L’emploi des jeunes est en plein recul le chômage passant de 9 à 12% en 2012, ils sont pourtant payés au rabais avec un " Smic jeunes " compris atteignant à peine 20 à 30% du SMIC entre 16 et 18 ans…

L’argument du pacte de croissance adossé au TSCG ne tient pas !

François Hollande, pour justifier la ratification du TSCG (Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance), met en avant le pacte pour la croissance décidé au sommet européen de juin 2012.
130 milliards d’euros, soit moins de 1 % du PIB européen, doivent être mobilisés pour mener une politique de projets européens. En réalité, au moins 65 milliards d’euros étaient déjà programmés et affectés dans le budget de l’UE. Ils seront donc redéployés. Seuls 10 milliards d’euros vont servir à recapitaliser la banque européenne d’investissement, ils sont censés générer 50 milliards de prêts. Le pacte ne comporte aucune garantie en la matière. En échange, le sommet a recommandé à la France, dans la droite ligne du pacte d’austérité, de poursuivre l’allongement des durées de cotisations et la baisse des pensions, le report des âges de départ en retraite, la modération salariale, le transfert de la fiscalité qui pèse sur le travail vers la consommation et l’environnement, à l’image de ce qu’aurait pu être la TVA sociale de Nicolas Sarkozy.

Les solutions à la crise passent par une politique européenne de croissance et de solidarité !

La CES mène une campagne partout en Europe, pour un contrat social. La CGT, ainsi que tous les syndicats français et européens, ont voté cette résolution et sont donc engagés dans cette campagne. Elle est incompatible avec la ratification du TSCG.

Partant d’un constat économique et social marqué par l’augmentation du chômage (5,5 millions de jeunes dans l’UE), de la précarité (80% des contrats de travail 2012 en France sont des CDD) et donc de la pauvreté (1 million de retraités ont des mini jobs à moins de 400 € en Allemagne), le modèle européen est en crise, les réflexes de repli nationalistes explosent partout. Il y a donc urgence à imposer une Europe vraiment sociale.

La première condition pour renouer avec la croissance économique et le progrès social passe par une réforme de la politique fiscale, redistributive et progressive, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, l’harmonisation de la fiscalité des entreprises, des mesures de lutte contre la spéculation, la fraude et l’évasion fiscale, contre le travail non déclaré…

Pour sortir de la crise, il faut s’attaquer au coût du capital et faire le choix de la solidarité contre l’austérité en instituant, à l’échelle européenne, une mise en commun partielle de la dette, une intervention adéquate de la Banque centrale européenne (BCE) et un contrôle rigoureux du secteur financier. Les politiques européennes doivent être tournées vers l’amélioration des conditions de travail, des salaires, l’accès de tous à des services publics de qualité, des emplois et en particulier des projets industriels d’envergure créateurs d’emplois et de richesses et respectueux du développement durable... Ces grands projets doivent se fonder sur des infrastructures durables, la recherche-développement, de nouvelles technologies et le recours à des ressources renouvelables. Ces investissements ne doivent pas être inclus dans le calcul des déficits publics. Avec la mise en place de salaires minimum partout en Europe et une politique généralisée de hausse des salaires, de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ces décisions seraient facteur de reprise de la consommation intérieure sur le continent.

Ce serait donc une réponse beaucoup plus pertinente à la question de la compétitivité que la baisse du coût du travail couplée à la flexibilité, puisque l’essentiel des exportations des États européens se concentre sur le marché du continent. Des mesures d’urgence en matière de lutte contre le chômage et en particulier celui des jeunes doivent être prises : lutte contre le recours aux CDD, temps partiel imposé, contrats au rabais, statut d’auto entrepreneurs divers en Europe et n’offrant aucune garanties collectives. Ainsi, la CES propose une "garantie jeunes " obligeant les Etats à proposer dans un délai de quatre mois une formation ou un emploi stable aux jeunes inscrits au chômage ou sortis du système scolaire.
S’ajoute la nécessité de rétablir la responsabilité nationale des États en matière de déploiement des services publics répondant aux besoins sociaux. Il faut sortir du dogme de la concurrence libre et non faussé et faire le choix du service public alors que par exemple 90% de la formation professionnelle sont aux mains du marché.